Saint-Marcel

Eglise Saint-Marcel

82 boulevard de l’Hôpital, Paris 13e

M° Saint-Marcel

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Les premiers chrétiens de Lutèce s’établirent au 3e siècle sur les pentes du mont Cétard, en contrebas de l’actuel quartier Mouffetard. C’est ce qu’attestent les vestiges d’une domus ecclesiae1 et d’une nécropole paléochrétienne où, au 5e siècle, saint Marcel demanda à être enseveli près d’une chapelle dédiée au Pape saint Clément, peut-être la première église construite à Paris.

Cette zone située hors les murs, le long de la Bièvre, peu avant son confluent avec la Seine, servait d’entrepôt pour le bois flotté provenant du Morvan.

Au 13e siècle, les ateliers polluants des artisans du cuir et du textile s’y installent2. Au 18e siècle, le vieil arsenal de la Salpêtrière3 est remplacé par un hôpital pour les femmes malades ou aliénées. 

L’église “provisoire” du 19e siècle.

A la révolution industrielle, arrivent les brasseurs, les sucriers, les chocolatiers et le chemin de fer à la gare d’Austerlitz, puis, à l’orée du 20e siècle, les ateliers de mécanique (Delahaye et Panhard) et les imprimeries (Hachette). Lorsque le choléra sévit en 1832 et en 1848, sœur Rosalie se dévoue auprès des malades et des pauvres de ce quartier insalubre et défavorisé4. Il abrite, aujourd’hui, le quart des hébergements d’urgence de Paris.

La collégiale construite en 1158 sur la tombe de saint Marcel, devenue un haut lieu de pèlerinage parisien, est détruite à la Révolution et remplacée durant l’année 1856 par une église provisoire de style néogothique sise sur un terrain proche de la Seine, en attendant la réalisation d’un projet pour une église paroissiale sur la place d’Italie face à la mairie du 13e arrondissement. Vétuste et menacée dans sa structure par un sous-sol de carrières, elle est détruite en 1962 après l’écroulement de la tribune de son orgue.

Maquette du projet initial de l’église par Jean Michelin.
Le plan de l’église «haute».

L’église actuelle, édifiée par Daniel Michelin5 et consacrée en 1967, est la première construite à Paris après le concile Vatican II. Un vaste parvis et la façade de l’église étaient prévus au sud, sur la rue Jeanne-d’Arc qui devait être élargie, mais il n’en fut rien. Les immeubles entre l’église et la rue Jeanne-d’Arc sont finalement conservés. A cause de la déclivité du terrain, pendant vingt cinq ans, l’accès à l’église ne peut se faire que par des escaliers de secours côté boulevard de l’Hôpital.

Aujourd’hui, l’église se signale à l’extérieur par une façade triangulaire, alignée sur les immeubles et surmontée d’une simple croix en métal. 

Créée par le fils de Daniel Michelin — Jean Michelin6, chargé de repenser la visibilité de l’église — cet imposant avant-corps en forme de prisme de 25 mètres de hauteur réunit le portail, une simple ouverture carrée donnant accès à la paroisse, le narthex7 et le clocher identifiable à ses abat-sons en chevrons inversés figurant les doigts de deux mains jointes8. La surface est occupée par des dalles de verres maintenues par une résille d’acier. La silhouette de saint Marcel y apparaît avec sa mitre et sa crosse.

Vue de la chapelle de semaine au rez-de-chaussée.

La forme triangulaire de cet ensemble évoquant une tente, installé dans la lumière du levant, consacré en 1993, fait allusion à ce verset de l’évangile de Jean : Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous (Jn 1,14).

A l’arrière plan, on voit le mur latéral de l’église recouvert d’ardoises et au nord, émerge le sommet d’un dièdre9 en béton brut où trône le coq10 de l’église du 19e siècle.

Au niveau du parvis11, une longue galerie traverse l’édifice. De part et d’autre, des saints et de grandes figures bibliques en émaux sur lave tracent le chemin vers la chapelle de semaine située à droite avant le jardin du presbytère. L’autel est orné de trois laves représentant le Jugement Dernier12. Un Arbre de Vie et une Mort et résurrection du Christ sont disposées sur les murs. Ces compositions sont de l’artiste Francesca Guerrier13.

Vue de l’intérieur de l’église «haute» depuis la tribune de l’orgue. Elle peut accueillir 800 fidèles.

L’église située au second niveau de l’édifice est réservée aux messes du dimanche et aux grandes célébrations. On y accède depuis l’entrée par un escalier et un ascenseur qui débouchent dans le narthex illuminé par l’œuvre du maître verrier Henri Guérin14. Le lien historique de saint Marcel avec Paris est évoqué par quelques dalles transparentes qui laissent voir la ville.

L’intérieur de l’église est un vaste volume de plan presque carré (30 mètres sur 28) avec un plafond à caissons triangulaires en bois dans la même tonalité que celui des bancs. Deux bandeaux de verre antique15 colorés pris dans une structure métallique issus de l’Atelier Bony16 courent sous le plafond. Ils marquent les bas-côtés et conduisent le regard vers le chœur.

Le dièdre en béton qui ferme le chœur et celui, translucide et invisible depuis la nef, qui répand largement la lumière autour de l’autel.

Dans le chœur, délimité par les deux parois du dièdre, la lumière naturelle zénithale baigne le maître autel. Ce lieu majeur de l’église exprime ce verset du symbole de Nicée qui affirme que le Christ est Lumière née de la Lumière. Sur le mur à l’arrière de l’autel, posé sur une feuille de cuivre : un Christ de Michel Aupetit17. De part et d’autre : une Vierge à l’Enfant et un saint Marcel réalisés en cuivre repoussé par Jean Cattant18. Les lignes simples et épurées de ces silhouettes s’accordent au dépouillement de l’édifice.

De chaque côté du chœur, deux ouvertures triangulaires dévoilent la chapelle du Saint-Sacrement [à droite] et celle qui conserve, notamment, les reliques de saint Marcel depuis 2010 [à gauche]19.

La Vierge à l’Enfant œuvre de Jean Cattant.

A l’opposé du chœur, l’imposant baptistère, bloc de granit brut orné d’une colombe en bronze sertie de pierres polies de Jacques Gautier20, est placé à l’entrée de la nef pour signifier que le baptême est le sacrement de l’entrée dans l’Eglise.

Le baptistère et la colombe, symbole de l’Esprit Saint, apparue lors du baptême de Jésus dans le Jourdain (Mt 3, 16-17).

L’orgue

Au-dessus, une large tribune accueille l’orgue de l’église du 19e siècle, redessiné par Daniel Michelin et remonté par le facteur nantais Beuchet-Debierre en 196621. Il est réputé pour le déploiement horizontal de ses tuyaux et la belle acoustique du lieu. (Il est classé parmi les orgues majeures de Paris en raison de ses 54 jeux.)

Dans le bas-côté nord, la tapisserie de Gustave Singier22, réalisée dans les ateliers d’Aubusson en 1967 sur le thème de la Pentecôte23, attire le regard par ses couleurs chaudes évocatrices du feu de l’Esprit Saint.

Quinzième station du chemin de croix : le Christ aux Enfers.

Sur les murs, le chemin de croix est l’œuvre de Francesca Guerrier24. En émail sur lave, matériau qui s’accorde à l’architecture, il est remarquable par ses compositions denses en grands aplats dans une gamme de teintes réduite.

La 15e station évoque le passage du Christ aux enfers : vêtu de blanc immaculé, il sauve un élu alors qu’un damné, le corps nu et décharné, se pend désespérément à l’autre bras.

L’église Saint-Marcel par son architecture, le traitement de la lumière, les formes triangulaires et les matériaux utilisés exprime une recherche artistique symboliquement forte. Elle témoigne à Paris du renouveau liturgique souhaité par le concile Vatican II.

Saint Marcel par Jean Cattant.

Saint Marcel (380-436)

Comme Denis (nommé 1er évêque de Paris vers 250) et Geneviève (422-502), Marcel est attaché aux débuts de la chrétienté à Paris et à l’histoire de la ville.
Elu 9e évêque vers l’an 400, il est à l’origine de nombreuses conversions. Sa sépulture devient rapidement un haut lieu de pèlerinage aussi important que celui de saint Denis. Il est connu pour son service de l’Eglise, son action en faveur du peuple, ses miracles et sa victoire sur un dragon sorti de la Bièvre dont le souvenir s’est maintenu jusqu’à la Révolution par l’embrasement de dragons en osiers lors des Rogations, fête religieuse proche de l’Ascension, pour la fructification des travaux des champs.

Rosalie Rendu secourant un habitant du quartier (gravure ancienne).
Bienheureuse Rosalie (1786-1856)

Fille de cultivateurs aisés, Jeanne-Marie Rendu entra en 1802 dans la Compagnie des Filles de la Charité, fondée en 1633 par saint Vincent de Paul, et prit le nom de Sœur Rosalie. Elle fut la providence des quartiers Mouffetard et Saint-Marcel.
Affrontant les épidémies, les émeutes et les révolutions, elle y exerça un véritable ministère de charité pendant 54 ans, tant auprès des pauvres que des nombreuses personnalités qui vinrent lui demander conseil. Elle est béatifiée en 2003 par saint Jean-Paul II, lors de son pontificat (1978-2005).

Concile Vatican II  (1962-1965)

Le mot concile désigne l’assemblée de tous les évêques réunis pour traiter des grandes questions concernant la Foi ou l’organisation de l’Église. Vatican II, le dernier en date, s’est tenu à Rome en la basilique Saint-Pierre. Il se fonde sur de nouvelles recherches bibliques et l’étude de la Tradition pour apporter des réponses aux questions modernes. Il réhabilite, entre autres, la messe face au peuple, la liturgie de la Parole et l’usage de la langue courante à la place du latin.

Vue de la nef de la basilique Saint-Pierre à Rome lors du concile Vatican II.


Notes :

1 — Dans les Actes des Apôtres, on lit que les premiers chrétiens se réunissaient pour rompre le pain chez celui qui avait la plus grande salle, généralement située à l’étage, sous la terrasse (Act 20, 7). Ainsi sont nées les domus ecclesiae, maisons d’Eglise.
2 — Notamment en 1443, le teinturier Jean Gobelin qui donna son nom à une partie de ce quartier bien avant la création de la célèbre manufacture de tapis et tapisseries.
3 — Ce nom vient du lieu de production du salpêtre (dépôt de nitrate après évaporation de l’eau dans des lieux confinés), utilisé notamment pour les saumures et la fabrication de la poudre à canon.  Réuni à l’hôpital de La Pitié, transféré à côté de lui en 1911, cet ensemble forme le plus grand centre hospitalier d’Europe.
4 — C’est le cadre, au 19e siècle, des Misérables de Victor Hugo et de Brouillard au pont de Tolbiac de Léo Malet.
5 — 1915-2005. Architecte de cités proches d’Enghien-les-Bains, et de l’église Saint-Patrice (1962, Epinay-sur-Seine) et de la chapelle Saint-Paul (1973, Saint-Gratien).
6 — Architecte, né en 1948, auteur de nombreux aménagements d’édifices urbains ou religieux.
7 — Espace situé à l’entrée de l’église jadis réservé aux catéchumènes qui se préparaient au baptême.
8 — Pour Jean Michelin, ce sont les mains de Dieu.
9 — Angle formé par deux demi-plans sécants.
10 — Souvent les clochers ont une girouette en forme de coq symbolisant  la résurrection du Christ, victorieux des ténèbres. Ici les fidèles sont appelés aux offices par : Honorine, provenant de l’église du 19e s., Rosalie et Geneviève, jadis au Théâtre Sarah Bernhardt et offertes par la Ville de Paris.
11 — Dérivé du mot paradis, lui-même venu du persan, pairi [autour] et daiza [mur].
12 — L’heure du retour du Christ à la fin des temps et celle de la victoire du Bien sur le Mal.
13 — 1927 -2011. Cette céramiste travaille sur des laves de volcan. Elle est aussi l’auteur du chemin de croix de Sainte-Hélène (Paris 18e).
14 — 1929-2009. Avec les dalles de verre, il a repris un procédé inventé en 1925. Le vitrail pour la  crypte de la cathédrale de Chartres, Marie Porte du Ciel, est la dernière œuvre de ce maître-verrier international.
15 — Technique antique qui consiste à couler le verre sur une dalle alors qu'il est encore en fusion.
16 — 1924-1999. L'atelier Hébert-Stevens, puis l'atelier Bony. Il a souvent fait appel à des artistes contemporains.
17 — Archevêque de Paris depuis 2017. Œuvre installée en 2011.
18 — 1918-2002. Elève de Zadkine en 1940 à la Grande Chaumière dans le quartier de Montparnasse (Paris 6e). Inspiré par la Bible, ce sculpteur passionné d’archéologie a commencé à travailler le cuivre en 1963.
19 — Le reliquaire date du 19e siècle. Cette chapelle était autrefois celle des fonts baptismaux. Des vitraux à motifs géométriques d’Isabelle Rouault (1910-2004) ornent ces deux chapelles secondaires.
20 — 1924-2004. Créateur de boutons et de bijoux, notamment pour Dior.
21 — Maison fondée en 1862 par Louis Debierre (1842-1920) qui inventa le tuyau d’orgue à deux notes.
22 — 1909-1984. Ce peintre originaire de Belgique est l’auteur de cartons pour des tapisseries, des vitraux et des mosaïques et de dessins pour des décors et des costumes pour Jean Vilar et l’Opéra de Paris.
23 — «... Vous allez recevoir une force quand le Saint Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre» (Actes 1, 8). Ce qui advint le jour de la Pentecôte, le 50e jour après Pâques.
24 — Au départ, destiné à une église de Saint- Germain-en-Laye.

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© ACF / Paris 2019.  Photos M. Caillon, JP Beaudoin, F. de Franclieu. 

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