Notre-Dame-de-Lorette

Eglise Notre-Dame-de-Lorette

18 bis rue de Châteaudun, Paris 9e
M° ND-de-Lorette, Le-Peletier

Visites ACF/Paris : 01 48 78 92 72

www.notredamedelorette.org

Bien avant le 17e siècle, au pied de la colline de Montmartre, dans le hameau des Porcherons, le long et à l’angle des rues Saint-Lazare et des Martyrs, cabarets et guinguettes abondent. Une chapelle dédiée à Notre-Dame-de-Lorette, située au 51 de l’actuelle rue Lamartine, vendue puis démolie en 1796, est le seul lieu de culte. Sous le règne de Louis XVIII, dans les années 1820, les lotissements de la Nouvelle-Athènes et de Saint-Georges sont créés  à proximité de ce hameau. Il devient urgent de construire une église plus vaste.

Un concours est ouvert en 1822 dans le cadre de l’urbanisation du quartier Saint-Georges. L’architecte Hippolyte Lebas1, imprégné de culture classique, l’emporte avec son projet d’édifice de plan basilical à trois nefs, très proche de la basilique Sainte-Marie-Majeure à Rome. En raison de l’instabilité du sous-sol limoneux, l’église est construite sur pilotis.

A sa consécration en décembre 1836, son décor pictural, fruit d’un programme confié à vingt-six artistes différents, est diversement apprécié.

Vue de l’église depuis la rue de Châteaudun avec sa tour-clocher dominée par une croix, signe de son caractère sacré.

A l’extérieur, dégagée sur toutes ses faces et placée dans l’axe de la rue Lafitte, l’église se signale par un portique à l’antique soutenu par quatre colonnes d’ordre corinthien et surmonté d’un fronton triangulaire que le sculpteur Lebœuf-Nanteuil2 a orné de six anges agenouillés de part et d’autre de la Vierge et de son Enfant. Aux angles, se détachent trois statues figurant les vertus théologales : la Charité avec deux enfants [au centre], l’Espérance tenant une ancre de marine [à gauche], la Foi présentant le calice, l’hostie et le livre de l’Evangile [à droite], respectivement sculptées par Laitié, Lemaire et Foyatier3.

A la base du fronton, on lit le vocable de l’église Beatae Mariae Virgini Lauretanae [A la Bienheureuse Vierge Marie de Lorette]. Sous le portique, au-dessus de la porte d’entrée, la devise républicaine Liberté, Egalité, Fraternité4 a été peinte après 1905.

La nef et son plafond orné de roses en relief. Les tons des motifs géométriques reprennent ceux du décor mural : le brun pour le monde terrestre, le vert et le bleu pour le ciel, le blanc pour la pureté, l’or pour la lumière divine.

A l’intérieur, le décor surprend par sa richesse et sa polychromie. La nef dotée de colonnes ioniques en stuc imitant un marbre clair est couverte d’un plafond plat à caissons en bois de style Renaissance italienne. Le caisson central est orné de la colombe de l’Esprit Saint. On remarque l’anagramme de Marie ainsi que des roses et des rosaces mariales.

La nef s’ouvre sur un arc triomphal. Couvert d’une coupole,  le chœur précède l’abside et son cul-de-four.

Dans l’abside et sur fond d’or, le couronnement de la Vierge par Picot (restauré en 2013).

Dans les écoinçons des arcs de la nef : les prophètes d’Israël qui ont annoncé la mission de Marie et la venue du Messie. De chaque côté de l’orgue : Daniel et Isaïe. Avant le chœur : Jérémie et Ezéchiel. Sous l’arc triomphal, le nouvel autel répond aux prescriptions liturgiques du concile Vatican II7

Au-dessus des colonnes de la nef, et encadrées comme des œuvres de chevalet : huit grandes peintures murales, commandées en 1833 à des peintres lauréats du prix de Rome, illustrant la vie terrestre de Marie en huit chapitres. A droite, depuis la façade [au sud] vers le chœur [au nord] : la Naissance de la Vierge par Monvoisin, la Présentation au Temple par Vinchon, le Mariage de la Vierge par Langlois, l’Annonciation par Dubois. A gauche, en redescendant : la Visitation par Coutan, l’Adoration des bergers par Hesse, l’Adoration des mages par Granger, l’Assomption par Dejuinne. Les artistes5 de ce programme théologique sont d’anciens élèves de David, peintre néoclassique renommé6.

Dans le chœur, sur les murs, deux peintures à la cire de près de huit mètres de longueur : La présentation de Jésus au Temple par Heim[à gauche] et Jésus au milieu des docteurs par Drolling8 [à droite].

Dans la coupole : La glorification de la Vierge, entourée d’anges ; à ses pieds, les vertus : la Charité et la Justice [à gauche], la Foi et l’Espérance [à droite]. Cette gloire domine une représentation de la translation de la Santa Casa par des anges. Sur les pendentifs10 : les quatre Evangélistes avec leurs attributs11. Cet ensemble est l’œuvre de Delorme12 qui s’est souvenu des maîtres de l’époque baroque.

Dans l’abside, l’ancien maître-autel est surmonté d’un dais [ciborium] en forme de temple antique. Au fond, se déploie le Couronnement de la Vierge par Picot13 sur un fond or à la manière des icones bysantines. L’enfant Jésus, les bras en croix, se tient debout entre les genoux de Marie.

A chaque extrémité des deux bas-côtés : une chapelle d’angle, éclairée par un oculus zénithal, dont le riche décor correspond à quatre des sacrements de l’Eglise.

La chapelle du Baptême, restaurée en 2016.

A l’entrée [à droite, sud-est] : la Chapelle du Baptême, peinte à la cire froide par Roger14 — une technique novatrice — abrite les fonts baptismaux en bronze sculpté avec un saint Jean le Baptiste représenté debout sur la cuve par Duret15. En vis-à-vis, dans l’autre bas-côté : l’ancienne Chapelle de la Mort ornée par Blondel16 sur le thème de la Résurrection. Endommagée par un incendie, elle sert aujourd’hui de bureau d’accueil.

Avant le chœur [à droite, nord-est] : la Chapelle de l’Eucharistie, commandée à Périn17 en 1836 et achevée par Faivre-Duffer18 en 1875. En vis-à-vis, dans l’autre bas-côté : la Chapelle des Litanies de la Vierge dite aussi Chapelle du Mariage, commandée à Orsel19 en 1833 et terminée par son ami Périn en 1854, reprend les Litanies de la Vierge20.

L’extase de sainte Thérèse d’Avila.
L’orgue d’Aristide Cavaillé-Coll installé en 1838, le premier réalisé à Paris par le jeune facteur d’orgues.
Une Vierge à l’Enfant en chêne sculptée par Elshoecht (27). Elle ornait la niche du banc d’œuvre (28) naguère à cet emplacement face à la chaire.
Le vitrail de la sacristie avec une représentation de l’Assomption de la Vierge, d’après un carton de Delorme.

Au long des bas-côtés, les chapelles sont dédiées aux saints patrons de personnalités qui ont joué un rôle dans la construction de cette église et à deux saintes.

Bas-côté droit [à l’est], en remontant depuis la chapelle du baptême : le Martyre de saint Hippolyte par Hesse21 pour l’architecte ; Saint Hyacinthe par Johannot22 pour Mgr de Quelen, archevêque de Paris à l’époque ; L’extase de sainte Thérèse d’Avila par Langlois23.

Bas-côté gauche [à l’ouest], en descendant depuis la chapelle des Litanies de la Vierge : Saint Etienne par Champmartin24 pour Etienne de Rolleau, curé de 1833 à 1881 ; Saint Philibert par Schnetz25 pour le préfet Rambuteau et Chabrol ; Sainte Geneviève, patronne de Paris, par Devéria26.

Une Vierge à l’Enfant en chêne sculptée par Elshoecht27 : elle ornait la niche du banc d’œuvre28, naguère à cet emplacement face à la chaire.

Les vitraux de l’église sont en verre translucide sauf celui de la sacristie, sur lequel Delorme a représenté l’Assomption dans des couleurs vives, cuites après peinture dans les ateliers de la Manufacture de Sèvres.

Par l’unité de son architecture et son iconographie, cette église se lit comme un Grand Livre à la gloire de Marie.

La Santa Casa à Loreto
Détail de la coupole du chœur de l’église : le Couronnement de la Vierge, œuvre de Pierre-François Delorme.

Jusqu’au 19e siècle, la ville de Loreto (français : Lorette), située dans la province d’Ancône en Italie centrale, est l’un des lieux de pèlerinage les plus fréquentés en Occident. La ville de Loreto s’est développée autour de la basilique construite à la fin du 15e siècle pour abriter la Santa Casa.
Selon la tradition,  la Santa Casa serait la maison où naquit la Vierge et où l’archange Gabriel la visita le jour de l’Annonciation, à Nazareth. Les pèlerins y vinrent dès le 1er siècle. En 1291, lorsque les Musulmans entrèrent en Palestine, des anges l’auraient portée en Croatie, avant de la poser en Italie, enfin, sur une colline couverte de lauriers [laurus en latin] qui donna son nom de Loreto à ce lieu de dévotion mariale.
Depuis, de nombreuses églises dans le monde portent le vocable Notre-Dame-de-Lorette.

La peinture religieuse à Paris au 19e siècle

Lors de la Révolution, les saisies des œuvres dans les édifices religieux, puis leurs mises en dépôt dans les musées ont vidé les églises de la capitale. Au 19e siècle, la Ville de Paris met en place une nouvelle organisation de commandes officielles qui sont encore visibles aujourd’hui dans les lieux pour lesquels elles ont été conçues.
Notre-Dame-de-Lorette est l’exemple de cette nouvelle politique qui fait appel aux peintres d’histoire, qu’ils soient ou non spécialistes de la peinture religieuse. Si ces œuvres donnent parfois l’impression de faire partie d’une galerie muséale, la figure bienveillante et maternelle de la Vierge Marie, mère de Jésus Christ29, s’affiche clairement dans Notre-Dame-de-Lorette.
On constate un foisonnement de styles et de propos qui révèle un réel éclectisme lié autant aux commandes qu’aux expérimentations techniques et formelles.



Notes :
1 — 1782-1867. Architecte et historien de l’architecture aux Beaux-Arts, Lebas est d’abord l’élève de son oncle Antoine Vaudoyer, auquel il succède comme architecte de l’Institut, puis de Charles Percier et Pierre Fontaine. Notre-Dame-de-Lorette est son œuvre majeure.
2 — Charles-François Lebœuf dit Nanteuil (1792-1865). Notamment connu pour trois bas-reliefs ornant le portique du Panthéon (Paris 5e), ainsi que pour le fronton de Saint-Vincent-de-Paul (Paris 10e).
3 — Charles-René Laitié (1782-1862), Henri Lemaire (1798-1880), Denis Foyatier (1793-1863), sculpteurs.
4 — Héritage du siècle des Lumières, la devise Liberté, Egalité, Fraternité est invoquée pour la première fois lors de la Révolution française. Elle s'impose sous la IIIe République et est inscrite dans la constitution de 1958.
5 — Raymond Monvoisin (1794-1870), Auguste Vinchon (1789-1855), Jérôme-Martin Langlois (1779-1838), François Dubois (1790-1871), Amable-Paul Coutan (1792-1837), Auguste Hesse (1795-1868), Jean-Pierre Granger (1779-1840), Louis Dejuinne (1786-1844). Certains de ces peintres, apparentés à l’école néoclassique, ont fréquenté l’atelier de David.
6 — Jacques-Louis David (1748-1825). Chef de file du néoclassicisme, en vogue entre 1750 et 1830, engagé dans la Révolution, il est nommé premier peintre de Napoléon Ier, en 1805. Le Serment des Horaces et Le Sacre de Napoléon, conservés au Louvre, sont parmi les plus connus de ses tableaux.
7 — Le concile Vatican II (1962-1965) introduit, entre autres, une plus grande participation des fidèles à la liturgie par l’emploi des langues locales et un autel tourné vers l’assemblée.
8 — Michel-Martin Drolling (1786-1851). Elève de son père Martin Drolling, puis du peintre David.
9 — François-Joseph Heim (1787-1865). Elève de François-André Vincent. Egalement auteur de décors peints à la cathédrale Notre-Dame, Saint-Gervais (Paris 4e), Saint-Germain-des-Prés, Saint-Séverin (Paris 5e), et Saint-Sulpice (Paris 6e).
10 — Les pendentifs permettent d'asseoir une coupole sur un plan carré en rachetant ses angles. C’est un espace propice au décor.
11 — Selon la Bible, dans la vision d’Ezéchiel (Ez 1, 1-14), quatre animaux ailés, plus tard assimilés par les Pères de l’Eglise, aux quatre évangélistes : le lion pour saint Marc, le taureau pour saint Luc, l’homme jeune ou l’ange pour saint Matthieu et l’aigle pour saint Jean.
12 — Pierre-François Delorme (1783-1859). Elève d’Anne-Louis Girodet, a été formé selon les canons de la tradition néoclassique. Il a aussi travaillé aux décors de Saint-Eustache (Paris 1er) et de Saint-Gervais (Paris 4e).
13 — François-Edouard Picot (1786-1868). Elève des peintres Vincent et David. Egalement auteur des Pèlerins
d'Emmaüs
à Saint-Denys-du-Saint-Sacrement (Paris 3e) et collaborateur d’Hippolyte Flandrin pour le décor de Saint-Vincent-de-Paul (Paris 10e).
14 — Adolphe Roger (1800-1880). Elève du baron Gros. Lors de son séjour en Italie, il étudie les peintres des 13e et 14e siècles et reprend leurs fonds or pour le décor de cette chapelle terminée en 1840 et restaurée en 2016. Il travaille aussi à Sainte-Élisabeth-de-Hongrie (Paris 1er) et à Saint-Roch (Paris 3e).
15 — Francisque Duret (1804-1865). Elève de son père, puis du sculpteur néoclassique Bosio. Auteur de la statue surmontant la Fontaine Saint-Michel (Paris 6e), d’un Christ se révélant au monde et d’un Archange Gabriel pour l’église Sainte-Madeleine (Paris 8e), ainsi que d’un Christ pour Saint-Vincent-de-Paul (Paris 10e).
16 — Merry-Joseph Blondel (1781-1853). Il réalise le décor de la coupole de Saint-Thomas-d’Aquin (Paris 7e), ainsi que des décors allégoriques pour les palais de Versailles, de Fontainebleau et du Louvre.
17 — Alphonse Périn (vers 1790-1874). Cet ami et collaborateur de Victor Orsel, fut l’élève du baron Guérin, peintre néoclassique inspiré de Poussin.
18 — Louis-Stanislas Faivre-Duffer (1818-1897). Cet élève d’Orsel et de Flandrin, est l’auteur du carton pour la mosaïque du porche de Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille : l'Assomption de la Vierge.
19 — Victor Orsel (1795-1850). Elève de Revoil à Lyon, puis de Guérin à Paris.
20 — Enumération poétique des qualités spirituelles et mystiques de la Vierge Marie.
21 — Auguste Hesse (1795-1868). Elève du baron Gros. Auteur de cartons pour des vitraux à Saint-Eustache (Paris 1er) et de décors pour l’un des salons de l’Hôtel de Ville (Paris 4e).
22 — Alfred Johannot (1800-1837). Peintre et graveur.
23 — Jérôme-Marie Langlois (1779-1838). Elève de David.
24 — Charles-Emile Callande de Champmartin (1797-1883). Cet autre élève du baron Guérin a également travaillé aux décors de Notre-Dame-des-Blancs-Manteaux (Paris 4e).
25 — Victor Schnetz (1787-1870). Elève de David et du baron Gros, directeur de la Villa Médicis dès 1840. Aussi auteur de peintures pour Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle (Paris 2e) et Saint-Séverin (Paris 5e).
26 — Eugène Devéria (1805-1865). Peintre d’histoire et romantique, élève de Girodet.
27 — Jean-Jacques Elshoecht (1797-1856), sculpteur, aussi auteur des anges qui ornent la chaire à prêcher.
28 — Durant les offices, ce banc accueillait les membres de la fabrique, les clercs et les laïcs chargés de gérer les biens de la paroisse.
29 — Sous l’infuence des écrits de Louis-Marie Grignion de Montfort (1673-1716) et d’Alphonse-Marie de Liguori (1696-1787, canonisé en 1839) et auteur des Gloires de Marie, ouvrage paru en 1750. © ACF / Paris 2019. Photos M. Caillon, J.-P. Beaudoin, F. de Franclieu.

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