Exposition visible du mercredi au dimanche inclus, de 15h à 19h,
du 24 novembre au 17 décembre 2000 à la Galerie Saint-Séverin.

L’artiste, Jan Dibbets

Jan Dibbets est un artiste néerlandais né en 1941. Il vit et travaille à Amsterdam.

Après des études d’art, il part à Londres dans les années 1960. Il y produit des travaux conceptuels dans des parcs, jardins et plages, et créé Perspective Correction (1969), œuvre fondatrice de l’art conceptuel.

Il se tourne également vers la photographie, et produit de nombreux panoramas composés de collages, notamment les Dutch Horizons. Jan Dibbets porte un intérêt particulier pour l’espace, l’écoulement du temps et sa perception.

L’artiste est exposé dans de nombreux pays, comme au De Pont Museum (Tilbourg), au Van Abbemuseum (Eindhoven), au Musée d’Art contemporain (Turin), au Walker Art Center (Minneapolis) ou à la Tate Modern (Londres).

« En résumé, je vais me répéter : la seule bonne question à poser en art n’est pas celle du « quoi » mais du « comment » ; faut y répondre en cherchant non pas dans un quelconque mystère de la technique, mais dans le difficile équilibre nécessaire à la pratique artistique.
Trop de cerveau et l’art devient sec alors qu’il doit être « riche ». Trop d’intuition et l’art est naïf.
Pour
un homme qui veut l’antagonisme entre une pensée conceptuelle et un monde visuel,
l’art doit
être, une pratique de «réconciliation». »
Jan Dibbets, cité dans Renée Moineau, « Jan Dibbets », Chroniques d’art sacré, n°39, automne 1994, p. 4.

 


Jan Dibbets, Sénanque, 1980-1981, Fusain, collage photo sur papier monté sur bois, 75 × 101 cm.

Saenredam Sénanque, par Jan Dibbets

« Lorsque, dans ces églises claires que la réforme avait décapées, rendues à la nudité même des sanctuaires cisterciens, Saenredam employait les ressources de son art à magnifier les valeurs spatiales, il avançait dans le même sens ; partant non plus des rudesses de la nature brute, mais d’une nature ordonnée déjà par l’homme dans l’espoir de trouver Dieu, il allait un peu plus loin. 

Jan Dibbets, lui, part directement de Sénanque ; il maîtrise l’espace et le temps par d’autres outils ; mais le but est le même, et cette admirable rencontre est l’occasion d’un nouveau progrès. L’édifice que les moines ont conçu et dont Dibbets analyse les formes pour les recomposer dans les certitudes du cercle ou de la ligne droite, ces parois, ces arcatures disposées pour donner à mieux voir le parcours circulaire de la lumière au fil des jours et des raisons, tout cet ensemble fut-il en effet autre chose que l’instrument d’une analyse et d’une recomposition spirituelles ? 

Mais la transformation du mouvement s’opère aussi à un autre niveau. Dibbets ancre les séquences de photos dans l’espace abstrait d’un dessin. Insensiblement mais de façon logique l’image photographique, avec toute sa matérialité et sa richesse en détails, se transforme en un dessin qui en approchant des bords s’évanouit et s’immatérialise. Le dessin, rayonnant d’une construction architecturale, entraîne une transformation d’une architecture concrète en un espace géométriquement abstrait, Inversement le dessin se referme insensiblement vers l’intérieur en une architecture concrète et matérielle. 

Cette alternance d’ouverture et de fermeture, d’écart et de rapprochement, de divergence et de convergence nous donne l’impression d’être absorbés dans un espace riche en dynamisme et en perspective changeante. 

Puisque l’espace de la perspective centrale nous offre une base commune, il nous paraît physiquement accessible. Les espaces créés par Dibbets ne nous offrent pas cette base commune. Ce que nous apercevons sont des espaces entièrement imaginaires auxquels nous ne pouvons accéder que spirituellement. Autrement dit la terre perd sa fonction de substrat matériel de nos expériences. Et n’est-ce pas précisément ce que nous ressentons en réalité lorsque notre regard s’égare dans les dimensions verticales de l’architecture ?
G. Duby et M.M.M. Vos, Dossier de presse Jan Dibbets, Art, Culture Et Foi, Galerie Saint-Severin, 2000.

 

 

Légende de la photo : Jan Dibbets, SÉNANQUE/ SAENREDAM, 1980–1981, encre, craie, pastel, fusain et collage sur papier monté sur bois, 130 x 240 cm.