Ouverture officielle de la Galerie Saint-Séverin.

Exposition visible du mercredi au dimanche inclus, de 15h à 19h,
du 10 au 18 mars 1990 à la Galerie Saint-Séverin.

L’artiste, Jean-Michel Alberola

Né en Algérie en 1953 de parents Français d’origine espagnole, Jean-Michel Alberola vit en France depuis 1962. Au début de sa carrière il dessine, en grand format, des personnages sans visage, en noir et blanc généralement, puis tombe malade et cesse de pratiquer. Lorsqu’il reprend, il produit des compositions abstraites et colorées.

L’œuvre de Jean Michel Alberola est marquée par son interdisciplinarité. L’artiste se revendique peintre, sculpteur et cinéaste, et cherche à associer l’art et la parole. Ses sources d’inspiration sont majoritairement bibliques et mythologiques. Certaines de ses œuvres sont d’ailleurs signées sous le pseudonyme « Actéon », figure mythologique dont il se sent proche.

Jean-Michel Alberola est représenté par la Galerie Templon à Paris. Il fait partie des trois artistes fondateurs de la Galerie Saint-Séverin, avec Pierre Buraglio et François Rouan.


Jean-Michel Alberola, « La Femme Adultère », Evangéliaire, 1991.

L’Evangéliaire présenté par Jean-Michel Alberola à la Galerie Saint-Séverin en mars 1990, a été achevé et publié en 1991.

Un Evangéliaire pour notre temps, par Jean-Michel Alberola
Le point de vue du journal La Croix 

« Quand Jean-Michel Alberola s’est vu confier la réalisation d’un « Evangéliaire », il s’est trouvé dans la situation du Prophète : « Vous me demandez de parler. Et je bégaie … », « Vous me demandez de traduire l’indicible. Et je ne sais pas. Je vais essayer. » […]

Le peintre lit et relit les Evangiles et découvre que « l’espace pour l’interprétation est fort étroit ». Parmi les lectures de tous les dimanches, il choisit une vingtaine de textes. Pas plus, « le travail serait trop lourd ». Il faut « songer à la pratique du Livre : qu’elle soit très simple. Que l’image apporte un plus à l’écriture ». […]

La vision évangélique d’Alberola s’écarte totalement de la tradition fastueuse de l’évangéliaire. L’artiste s’efface ici jusqu’au renoncement, entre ciel et terre, entre réalisme et surréalisme. Ce n’est pas la figure de la Samaritaine qui l’intéresse mais l’eau qu’elle puise. Un ou deux pichets suffisent à le dire, un arc blanc détaché d’un torse désigne le Sacré-Cœur. Des langues répandues sur une légère esquisse du monde noyé sous des nuages rouges symbolisent la Pentecôte. Des pieds lourds collés au sol, l’Ascension. Des pieds encore pour la Passion. L’Evangile, dit Alberola, « est un livre de marche ».

Depuis plusieurs siècles, en France, aucun évangéliaire n’avait été conçu. Au cours de ces dernières années, deux expériences ont été menées en Allemagne et en Italie. Le premier des deux livres publiés emprunte son iconographie à un manuscrit ancien. Les lithographies d’une vingtaine d’artistes illustrent le second. En France, l’AELF (Association Episcopale Liturgique pour les Pays Francophones) et le Comité national d’art sacré, bénéficiant de l’aide de la Bibliothèque nationale et de la délégation aux arts plastiques (ministère de la culture) ainsi que de l’intérêt des éditions Desclée & Cie pour le projet, préfèrent miser sur une création contemporaine. Trois artistes sont pressentis Jean-Pierre Bertrand, François Rouan et Jean-Michel Alberola qui l’emporte car son projet associe, comme dans la tradition du livre sacré, l’illustration et la composition graphique. 

Au moment du choix de l’artiste, Alberola ne désire pas spécialement travailler sur l’Evangile. […]
La mythologie le tente ainsi que l’exemple de quelques « archétypes de la peinture. Tintoret, Titien, Véronèse ». Il aborde dans leur sillage les thèmes de la culpabilité et de la grâce.

L’évangéliaire entre naturellement dans cette progression. Alberola croit en Dieu. Le catholicisme lui colle à la peau. Il « cherche comment arriver à réaliser quelque chose de beau, de simple, de pur, de calme, de plein comme le ciel bleu ». Ou comme le corps humain, comment « passer de la loi à la grâce » ? « Toutes les questions sur la peinture tournent autour de cela. » Son travail sur l’Evangile lui a fourni le prétexte d’une de ces remises en question dont il a besoin pour demeurer dans une logique d’évolution.
Janine Baron, « Jean-Michel Alberola propos sur un Evangéliaire », Chroniques d’art sacré, n°21, printemps 1990, p. 2-5, extrait de La Croix.

 


Jean-Michel Alberola, « La Résurrection de Lazare », Evangéliaire, 1991.

Le point de vue de l’Abbé Louis Ladey

« Louis Ladey : En art sacré, on n’a pas droit à la médiocrité, encore moins s’il s’agit d’un évangéliaire. Ne fallait-il pas que l’image soit à la hauteur du message ? Un message pour notre temps, traduit par un artiste de notre temps. Chacun de ceux qui étaient choisis me semblait capable d’y répondre, capable de se laisser pénétrer par « l’esprit de la liturgie ». Le temps du concours arrivé, il ne restait plus en compétition que Jean-Pierre Bertrand et Jean-Michel Alberola, François Rouan ayant abandonné en cours de route. […] Jean-Michel Alberola avait une démarche classique, rigoureuse, sobre vis-à-vis du texte et prometteuse au regard des images. […]

C’est son projet qui répondait le mieux au programme. De plus, l’aspect figuratif de sa peinture me satisfaisait. Je m’étais rendu compte les années précédentes que dans certains cas, l’expression figurative était presque une nécessité : une Vierge à l’Enfant, par exemple ! Or, Jean-Michel allait dans ce sens. Mais aussi la façon dont il abordait la fête de Noël me semblait très juste. L’image qu’il donnait à voir commençait à apparaître le premier dimanche de l’Avent et se développait peu à peu au cours des dimanches suivants pour s’épanouir le jour de Noël. Cette façon aussi directe de prendre appui sur la liturgie laissait bien augurer de la suite.

Enfin son projet s’avérait plein d’originalité, de sensibilité de simplicité. A travers le dynamisme des images c’était vraiment le symbolisme de la vie liturgique du temps de l’Avent qui se révélait jusqu’à son accomplissement : Ecce Agnus […].

La commande passée, Jean-Michel Alberola se trouvait devant 52 dimanches sur trois années avec chacun un évangile. 25 à 30 illustrations furent arrêtées en accord avec l’artiste, puis le choix des caractères, la mise en page, le choix du papier et la reliure demandèrent beaucoup de soin. Il fut décidé que pour honorer l’événement on ferait un « tirage de tête » avant l’édition courante. »
Renée Moineau, « Entretien avec Jean-Michel Alberola », Chroniques d’art sacré, n°55, automne 1998, p. 15 – 17.

 

Jean-Michel Alberola, « La Samaritaine », Evangéliaire, 1991.

Le point de vue de Claudia Rabel, Institut des Recherches et Histoire des Textes

« Après le Concile Vatican II, l’Église s’est retrouvée dans une situation comparable à celle du haut Moyen Age. Il fallait d’urgence éditer les nouveaux livres liturgiques qui devaient prendre en compte la réforme du Concile, puis les « roder » à l’usage dans des éditions courantes. Dans un deuxième temps seulement on pouvait aborder la réflexion sur la création de beaux livres dignes de la parole de Dieu, conçus dans le même esprit que les manuscrits du Moyen Age mais appartenant dans leurs choix artistiques à notre XXe siècle finissant.

L’évangéliaire illustré a été publié le premier, en 1991. L’artiste retenu, Jean- Michel Alberola, a lui-même sélectionné les péricopes à illustrer, une vingtaine en tout. Elles se répartissent sur les trois années A, B et C, cycle triennal introduit par Vatican II afin que soit lu un plus grand nombre de textes bibliques.

Par son travail, Alberola n’a pas cherché à scander le livre à intervalles réguliers. Il a mis en relief, tout au contraire, les moments forts de l’année liturgique par une illustration beaucoup plus dense qu’ailleurs. Mais parallèlement, il a donné une « couleur » particulière à chacune des années, en faisant apparaître une sorte de répartition événementielle unique, qui vient concurrencer celle de la liturgie. Par exemple, pour Pâques, chaque année comporte une illustration de la Résurrection ; variant la même composition, ces images soulignent l’unité du cycle liturgique. En revanche, Noël n’est distingué que dans l’année A, le cycle de la Passion a reçu le plus d’attention dans l’année B, alors que les péricopes pour l’Ascension et la Pentecôte sont seulement illustrées dans l’année C.

Cette approche du texte sacré situe, plusieurs siècles plus tard, le travail de Jean-Michel Alberola dans la continuité de celui des peintres des manuscrits médiévaux. »
Claudia Rabel, « Les manuscrits liturgiques du Moyen Age », Chroniques d’art sacré, n°48, hiver 1996, p.8-11. évangéliaire d’Albérola, p.10-11.

 

 

Direction :
Programmation : Germaine de Liencourt et le comité d’experts
Sous la responsabilité du Père Maurice de Germiny, curé de Saint-Séverin.

Légende de la photo : Jean-Michel Alberola, « Suaire résurrection », Evangéliaire, 1991.