Exposition visible jour et nuit, 24h/24 et 7j/7, du 7 juin au 2 septembre 2025, à la Galerie Saint-Séverin. La visite est gratuite.

L’inauguration de l’exposition aura lieu en présence de l’artiste, samedi 7 juin dans la cadre de Nuit blanche 2025 de 19h  à 22h.     

Frère Marc Chauveau, commissaire invité 

Michel Mouffe

En 1983, à la suite d’une résidence de 2 ans dans la maison Guiette, construite par Le Corbusier à Anvers en Belgique, il y réalise sa première exposition personnelle. Depuis, le travail de Michel Mouffe a fait l’objet de nombreuses expositions personnelles en Europe, aux États-Unis et en Asie. Parmi les expositions récentes, on peut notamment citer « Tous les matins du Monde » à La Patinoire Royale – Galerie Valérie Bach, Bruxelles (2023), « A Thousand Uplands » à la Galerie Faider, Bruxelles (2023), « Thinking the Veil » aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique à Bruxelles (2018), « Drawings » à la Galerie Axel Vervoordt à Hong Kong (2017) et « Nebel » à Anvers (2021). En 2019 il réalise l’installation permanente Les larmes de Saint Pierre pour Musée L à Louvain – la – Neuve. Michel Mouffe est également l’auteur de l’installation artistique de la station de métro Erasme à Bruxelles.

 

Les fusillés de Formentera 

« A las cinco de la tarde », Federico Garcia Lorca

Michel Mouffe habite Formentera plusieurs mois par an. Les toiles exposées à la Galerie Saint-Séverin renvoient à l’histoire de l’île et plus particulièrement aux épisodes tragiques de la guerre d’Espagne.

Depuis les nombreuses années où il séjourne dans l’île, l’artiste rencontre les habitants de souche et recueille peu à peu des témoignages, des récits transmis par les générations antérieures de cette funeste période. Récits de pécheurs, de paysans, qui évoquent la disparition de membres de leur famille. Fusillés. Tragédie amplifiée par l’absence des corps qui n’ont jamais été restitués aux familles. Fusillés, disparus, anéantis, effacés. Pas un lieu pour faire mémoire, pas une tombe pour se recueillir. L’effacement total de la personne.

Grâce au climat de confiance que Michel Mouffe a su créer avec les familles, celles-ci vont lui partager les bribes de souvenirs transmis et lui montrer ce qui leur reste du fusillé, souvent une unique photo. Alors un visage apparaît.

L’artiste peint ce visage sur des toiles, comme un portrait, puis le recouvre de multiples couches de peinture très diluée. Peu à peu le visage disparait de la saisie immédiate.

Le visiteur pressé ne percevra quasiment rien. Mais pour peu que l’on s’arrête face à la toile, qu’on lui accorde du temps, à la marge de l’abstraction, peu à peu le visage apparaîtra. La figure semble remonter à la surface de la visibilité, comme si elle remontait d’un passé oublié, comme si le visage revenait dans le monde du visible, des humains. À ces fusillés que les bourreaux avaient tout fait pour anéantir, l’artiste leur redonne une place parmi les vivants. À cette volonté d’effacement complet de la personne, nous sommes devant ces toiles, comme devant une résistance de la figure à sa disparition. Une résistance de la mémoire qui n’est pas effacée grâce à cette toile.

Dans cette série de portraits nommée « A las cinco de la tarde » – écho d’un poème de Federico Garcia Lorca qui fut fusillé à cette époque – chaque toile a pour titre le prénom et le nom de la personne.

« J’ai choisi de représenter les fusillés par le franquisme à Formentera. Leur exécution a une portée universelle en des temps troublés pour la démocratie, en des temps où les quatre coins du monde sont rongés par la violence et l’injustice et où l’humain est loin d’être humain. L’on comprend donc que, comme la peinture s’élabore en palimpseste, le sens profond de son discours caché dans « l’être là peint » est la mémoire, le temps, le mal, nous. » Michel Mouffe.

 

Frère Marc Chauveau, commissaire invité – juin 2025

 

Légende photo à la une : Michel Mouffe, Antonio Colom Fe, 2019, acrylique sur toile, 70 x 70 cm – Photo © Courtesy de l’artiste