Sainte-Marguerite

Eglise Sainte-Marguerite

36 rue Saint-Bernard, Paris 11e

M° Charonne

Visites ACF/Paris : 01 43 71 34 24
www.saintemargueriteparis.fr

A un carrefour, au milieu des arbres et à l’écart des axes reliant les places de la Bastille et de la Nation, l’église Sainte-Marguerite1 garde son cachet villageois en partie dû à son petit clocher carré en bois et à ce qui reste de son cimetière fermé en 18062.Cet édifice, élevé en 1624 aux confins de la paroisse Saint-Paul3, hors les murs de Paris (entre la porte Saint-Antoine et le village de Charonne) occupe un terrain du faubourg donné au curé pour y bâtir un lieu de culte pour ses fidèles les plus éloignés, des artisans des métiers du meuble, des métaux et du textile, pour la plupart venus des Flandres. Erigée en paroisse en 1712, en raison de l’accroissement de la population qui atteint alors quarante mille habitants, Sainte-Marguerite est aujourd’hui la plus ancienne paroisse du quartier. L’église, profanée et pillée à la Révolution, est rendue au culte catholique dès 1795.

L’extérieur, rue Saint-Bernard, l’église se cache derrière une sobre façade néoclassique, probablement construite sous la Restauration. Son fronton est resté nu contrairement à ceux du transept qui présentent Les disciples d’Emmaüs au nord, côté cimetière, et une Vierge à l’Enfant au sud, côté square. Ils sont l’œuvre de Jean-Baptiste Goy4, sculpteur et premier curé de la paroisse.

La nef (la partie la plus ancienne de l’église) et le chœur.

L’intérieur surprend par sa nef voûtée d’un berceau percé d’oculi, qui contraste avec le chœur lumineux, plus élevé.  Au fond du chœur, le vitrail représentant sainte Marguerite 5 surplombe un haut relief qui représente Le Christ descendu de la croix et traduit l’émotion des personnages grandeur nature, dans l’esprit de l’art baroque. Il s’agit d’un fragment du tombeau dessiné par Girardon pour son épouse, Catherine Duchemin6, en l’église Saint-Landry. Remonté ici en 1817, il fait partie d’un ensemble important d’œuvres provenant d’édifices détruits à la Révolution. Leur réemploi témoigne du souci du clergé de Sainte-Marguerite d’offrir un décor iconographique édifiant et de qualité aux paroissiens marqués par l’histoire du quartier.

La chaire à prêcher (1704) avec son abat-son orné d’une nuée d’où émerge une colombe, le Saint Esprit, et sa cuve dont les quatre bas-reliefs évoquent le sermon de Jésus sur la montagne ainsi que les prédications de Jean le Baptiste dans le désert, de Pierre et de Paul.

A droite et à gauche du chœur, les bras du transept (modifié entre 1734-1740 lors de la construction du chœur) abritent des chapelles dédiées à la Vierge et à Saint Joseph-Sainte Marguerite. Une suite de cinq tableaux illustre des œuvres mises en place par saint Vincent de Paul en faveur des plus démunis dans les villes et dans les campagnes. Quatre d’entre eux proviennent d’une commande de onze toiles par les Lazaristes pour leur prieuré 7en 1729.

Dans la chapelle dédiée à la Vierge, ‘Monsieur Vincent’ est représenté instruisant les pensionnaires à l’hospice du Saint-Nom-de-Jésus, et exhortant des donateurs en faveur des enfants trouvés8. Une Adoration des bergers peinte d’après le Dominiquin et une Déposition de croix d’après Jouvenet9 encadrent l’autel.

Sainte Marguerite chassée par son père, par Vafflard.

De l’autre côté de la nef, dans la chapelle Saint-Joseph – Sainte-Marguerite, la suite se poursuit avec Monsieur Vincent10 présentant les Lazaristes à Dieu et institué aumônier des Dames de la Visitation par saint François de Sales. Une toile figurant Sainte Marguerite chassée par son père, peinte par Vafflard11 en 1817 se trouve entre ces deux tableaux. Une Apothéose de saint Vincent de Paul et un Saint Ambroise12 présentant à Dieu la lettre écrite par l’empereur Théodose encadrent l’autel.

Le gisant d’Antoine Fayet.

Dans le bas-côté gauche se trouve la tombe du curé fondateur, Antoine Fayet mort en 1634, ornée d’un gisant à la mode médiévale, le visage empreint de sérénité.

Les vitraux font mémoire de faits marquants pour la communauté et le quartier : la guérison d’Anne Charlier,  l’exécution de Carmélites place de la Nation pendant la Terreur13, la visite du pape Pie VII lors de son séjour à Paris pour le sacre de Napoléon à Notre-Dame, la mort de Mgr Affre blessé sur les barricades de la révolution de 1848.

Le Massacre des Innocents de Francesco de Rosa dit Pacecco de Rosa.

Au fond de l’église, à droite de l’entrée : une Déploration du Christ par ses proches attribuée à Dorigny14, peinte en 1548 pour une chapelle du Couvent des Célestins à Paris, attire le regard par la blancheur du corps de Jésus qui contraste avec les chairs et les couleurs des habits des personnages autour de lui. A gauche de l’entrée : Le Massacre des Innocents de Francesco de Rosa dit Pacecco de Rosa 15 où l’accumulation des corps, le réalisme et le clair obscur soulignent l’horreur de cet événement (Matt 2, 13-18).

La Déploration du Christ de Dorigny.

Dans le bas-côté droit, en remontant vers le chœur, de part et d’autre d’un monument aux morts de l’Association du Souvenir Français16des vitraux posés en 192417 rendent hommage aux soldats morts pendant la guerre de 1914-1918. Les vitraux de style art déco consacrés à Vincent de Paul et au curé d’Ars, figures emblématiques de la Foi et de la Charité des 17e et 19e siècles, ont été réalisés en 1938 par Raphaël Lardeur18.

Jésus mis au tombeau, quatorzième et dernière station du chemin de croix.

Les quatorze tableaux du chemin de croix peints par Pierre-Félix Trézel19 rappellent des moments de la Passion du Christ. Pendant les fêtes de Pâques, le vendredi saint, jour où l’Église commémore la mort du Christ, les fidèles méditent en procession dans les bas-côtés de l’église et prient devant chacune de ces quatorze stations.

Les premières orgues sont détruites à la Révolution. En 1865, de nouvelles orgues sont attestées. En 1873, le facteur Jean-Baptiste Stoltz20 crée l’orgue romantique de la tribune qui est relevé par Dargassies en 1987.

Fidèle à sa vocation de prière, d’accueil et de formation, Sainte-Marguerite, demeure un lieu vivant et ouvert à tous, dans un quartier en pleine évolution.

La chapelle des âmes du purgatoire 

A gauche du chœur, une chapelle, ajoutée (1760 à 1762) à celle dédiée à sainte Marguerite, par Victor Louis21 et décorée par Paolo-Antonio Brunetti22, surprend par ses colonnes, sa voûte à caissons, ses sculptures et ses bas-reliefs en trompe-l’œil.

Vue générale de la chapelle du purgatoire.

L’illusion d’une basilique antique sert de cadre à une réflexion sur le péché et la mort, thème annoncé dès l’entrée par une représentation d’Adam et Eve chassés du paradis.
Entre douze colonnes évoquant les tribus d’Israël ou les apôtres : des allégories sur la brièveté de la vie, la vanité des biens de ce monde. Sur la frise : la mort de Jacob en Égypte et ses funérailles en terre promise. De part et d’autre de la niche : en haut, deux sarcophages et, en bas, les vertus théologales et cardinales23 par qui la bonne mort advient. Au-delà de l’autel en forme de tombeau et par un oculus dissimulé dans la voûte par où la lumière naturelle arrive, une toile de Gabriel Briard24 met en scène le passage des âmes du Purgatoire25 au ciel.

Le fidèle qui se trouve au pied de l’autel, voit des anges tirant les âmes du feu rougeoyant vers le ciel mordoré. Contrairement à la coutume, l’absence d’un intercesseur donne toute son importance à la prière des vivants pour le salut des âmes. Depuis la Contre-Réforme, l’Église, se référant au sacrifice fait à Dieu par Judas Maccabée pour les morts de son peuple (2 M12, 43-46), encourage la prière pour les défunts afin qu’ils soient délivrés de leurs péchés.

Restaurée en 2012, cette chapelle est unique à Paris par son décor, un des rares subsistants, par la méditation qu’elle propose sur la mort, la communion des saints, l’espérance en
la Résurrection.



Notes :
1—Marguerite (Marina en grec) serait une martyre d’Antioche de Pisidie, victime des persécutions de Dioclétien vers 290. Refusant de renier sa foi, elle est chassée par son père, un prêtre païen, puis torturée et décapitée sur l’ordre du gouverneur Olibrius dont elle refuse les avances. Elle est une des “voix” de Jeanne d'Arc. Elle est fêtée le 20 juillet et priée par les femmes en couches.
2—Le 10 juin 1795, l’enfant du Temple (Louis XVII ?) y est inhumé dans la fosse commune. Y sont enterrés : plus de 350 guillotinés victimes de la Terreur (1794), JJ. Dubois ( mort en 1817), lazariste et curé qui reçut les toiles relatives à saint Vincent de Paul, Georges Jacob, ébéniste (mort en 1803). Vaucanson (mort en 1782), ingénieur auteur d’un levier pour soulever les dalles funéraires, est inhumé dans la chapelle des âmes du purgatoire.
3—Il n’en subsiste qu’un mur rue St-Paul (Paris 4e ).
4—1668-1738. Auteur de copies d’antiques à Rome, il travaille à l'église des Invalides (Paris 7e ) et devient prêtre en 1692. En 1713, il est nommé curé de cette église qui porte sa marque.
5—Réalisé en 1882 par Henri Carot (1850-1919), aussi auteur des vitraux de Notre-Dame-de-Consolation (1900, Paris 8e), d’après une toile de Raphaël conservée au Louvre.
6—1630-1698. Première femme entrée à l’Académie royale de Peinture et de Sculpture. Agé, Girardon (1628-1715), célèbre sculpteur (tombeau de Richelieu à la Sorbonne, 1675, Paris 5e), fait réaliser ce haut-relief en 1705 par ses élèves Nourrisson (1654-1706) et Le Lorrain (1666-1743). Saint-Landry est détruite en 1829 avec les tombes des Girardon.
7—Pour soulager les pauvres de son temps, Vincent de Paul (1581-1660) crée plusieurs institutions. Notamment, en 1625, il fonde la Congrégation de la Mission, des laïcs et des religieux aussi appelés Lazaristes, du nom du prieuré Saint-Lazare, détruit à la Révolution, qu’ils occupent un temps. L’église Saint-Vincent-de-Paul s’élève aujourd’hui à cet endroit (Paris 10e). En 1634, il institue la compagnie des Filles de la Charité (sous la conduite de Louise de Marillac), célibataires ou consacrées servant les pauvres à leur domicile, avec la rue pour cloître, les chambres des malades pour monastère...
8—Respectivement des œuvres de 1732-1734 par Frère André (1662-1753), L. Galloche (1670-1761).
9—Le Dominiquin (1581-1641), peintre italien de retables, admirateur de Raphaël, et J.B. Jouvenet (1644-1717), peintre religieux français auteur, avec Charles de La Fosse (1636-1716), du décor du dôme de l’église des Invalides (Paris 7e).
10—Respectivement des œuvres de 1731 de J-B Feret (1664-1739) et de J. Restout (1692-1768).
11—1777-1837. Peintre d’histoire, portraitiste et restaurateur d’œuvres des palais royaux.
12—Peint en 1764 par L. Lagrenée (1725-1805), élève de Carle van Loo, il fait référence à la lettre de repentir écrite à Ambroise par Théodose (346-395) après qu’il eut massacré les derniers païens de Thessalonique.
13—Le 17 juillet 1794, à l’origine du Dialogue des Carmélites (Bernanos, 1949) inspiré de la nouvelle de Gertrud von Le Fort (1931 et traduite en français en 1937).
14—Peintre de l’École de Fontainebleau, mort en 1551, assistant du Rosso (1495-1540) à la galerie François 1er au château de Fontainebleau. En 1890, la caserne de la Garde Républicaine (Paris 4e) remplace ce couvent de l’ordre des Célestins (dissous en 1779).
15—1607-1654. Peintre originaire de Naples.
16—Créée en 1887 par l’alsacien F-X Niesen, elle gère les tombes et les monuments commémorant le souvenir des soldats morts pour la France.
17—Réalisés, comme ceux de la chapelle de la Vierge, par le maître verrier belge Julien Vosch (1885-1964) installé à Montreuil (93).
18—1880-1967. Maître verrier œuvrant dans les départements dévastés par la Grande Guerre.
19—1782-1855. Elève de Prud’hon (1758-1823), chargé de relevés d’information pendant l’expédition de Morée lors de la guerre d’indépendance de la Grèce (1828-1833).
20—1813-1874. Fondateur de la maison Stoltz à Paris en 1845.
21—1731-1800. Architecte du grand théâtre de Bordeaux et des galeries du Palais Royal (Paris 1er).
22—1723-1783. Peintre italien de décors en trompe-l’œil au théâtre et en architecture (château d’Asnières, 92600).
23—La Foi, l’Espérance et la Charité. La Prudence, la Force, la Justice et la Tempérance. N’ayant pu être restaurées dans leur totalité, une vertu manque dans chaque groupe.
24—1725-1777. Peintre d'histoire, de paysages et de portraits.
25—Purification finale des élus (distincte du châtiment des damnés), espérance en la Vie après la mort et la résurrection des corps, d’où l’importance de la prière des proches et de la communauté chrétienne (Concile de Trente, 1545-1563).

* * *

©ACF/Paris, 2018. Photos M. Caillon, F. de Franclieu.

© 2021. Art, Culture & Foi
Mentions légales