Saint-Laurent

Eglise Saint-Laurent

68 boulevard Magenta, Paris 10e

 

M° Gare de l’Est

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asaintlaurent.com

L‘histoire de cette église remonte à la fin du 5e siècle. Hors les murs du Paris d’alors, sur la voie romaine1 menant à Soissons par le col de La Chapelle, se trouvait un monastère dédié à Saint-Laurent qui accueillait les pèlerins se rendant à l’abbaye de Saint-Denis2Saint Domnole3 en fut abbé au début du 6e siècle. 

La façade de style classique au moment des travaux d’Haussmann (1852-1854).

Détruit par les Normands, son église fut reconstruite et son territoire érigé en paroisse en 1180. La population s’étant accrue, l’édification d’une troisième église débuta au 15e siècle en conservant le clocher roman, encore visible.

A la Révolution, l’édifice devint temple de la Raison, puis celui de l’Hymen et de la Fidélité en 1793, et celui de la Vieillesse en 1798. Saint-Laurent fut rendu au culte catholique en 1802. En 1860, le secteur fut annexé à Paris avec les faubourgs Saint-Denis et Saint-Martin.

A l’extérieur, l’église, dégagée de toute part, offre l’unité d’un style dépouillé, principalement celui du gothique flamboyant4.

A=voussures, B=tympan, C=trumeau, D=pied-droit
Façade actuelle

En 1864, le percement du boulevard de Strasbourg ayant modifié le niveau d’accès à l’église, Constant-Dufeux5 remplaça la façade élevée en 1621 par celle visible aujourd’hui et allongea la nef d’une travée et demie pour suivre l’alignement de la voie. Il donna ainsi au quartier une église à sa taille, le tout dans un style néo-gothique6 en accord avec le style existant.

La statue de saint Laurent7 domine la façade. Au portail, un Christ bénissant est sculpté sur le trumeau (C) et les douze apôtres sur les piédroits (D). Au sommet des voussures (A), figurent les trois personnes de la Trinité : Dieu le Père, Jésus-Christ le Fils et la colombe symbolisant l’Esprit Saint. De part et d’autre, les médaillons rappellent le martyre de saint Laurent, patron de la paroisse. A la balustrade, sur les phylactères8 des anges, on lit les mots sedes veritatis [siège de Vérité], sanctuarium caritatis [temple de Charité], tirés de la prière dite lors de la dédicace des églises, caractérisant la fonction sacrée de ce lieu.

En 1870, sur le tympan (B), Paul Balze9 évoque en lave émaillée, de bas en haut, sur trois registres légendés, la vie de saint Laurent10 : sa mission de diacre, son arrestation, son supplice, sa gloire au ciel.

La nef et le chœur de Saint-Laurent avec l’autel du 17e siècle.
Transept (voûte bas-côté sud) : clé pendante représentant la flagellation du Christ (Cf. Jn, 19-1).

l’intérieur, les doubles collatéraux triplent la largeur de l’édifice qui s’impose par des piliers sans chapiteaux, des nervures s’élançant jusqu’aux ogives d’où pendent de longues clés de voûte richement sculptées et récemment restaurées. La lumière entrant par les baies hautes de la nef accentue ces points majeurs de l’édifice. Cet ensemble, homogène et sobre, a été édifié en gothique flamboyant au long des 15e, 16e et 17siècles. Les voûtes gothiques avec leurs clés ont été achevées en 165911, quinze ans seulement avant le décor classique du chœur réalisé par les architectes François Blondel et Antoine Le Pautre12, également auteur du maître autel.

Déambulatoire : clé de voûte représentant un ange avec la bourse contenant les aumônes et le gril.

Dans le transept, le décor des six clés pendantes relate la Passion du Christ : de la condamnation par Pilate (transept nord) à la déposition de croix par Joseph d’Arimathie13 (transept sud). A la croisée du transept et de la nef — dans l’axe du chœur — une septième clé est réservée à Marie et son fils Jésus présentés face à l’autel, Laurent et son gril face à la nef, Apolline14 et ses tenailles, sa contemporaine, face au sud, Jean le Baptiste avec l’Agneau face au nord15. L’iconographie de ces sept clés reprend celle des jubés et des poutres de gloire qui, jadis, séparaient le chœur et la nef.

Dans le chœur, d’un premier ensemble réalisé en 1852 par le maître verrier Lami de Nozan16, restent des vitraux consacrés à sainte Philomène, saint Domnole et aux cinq auteurs des épitres17 faisant partie du Nouveau Testament :  Jean, Jude, Paul, Jacques et Pierre.

Des vitraux réalisés par Jean Gaudin18 sont venus les compléter dans les années 1930. Ils représentent le Christ en gloire (baie centrale), sainte Apolline (baie de gauche) et saint Laurent (baie de droite).

Chapelle axiale : Notre Dame des Malades.

Au fond de l’église, l’ancienne chapelle axiale dédiée aux Trois Marie19 a été remplacée en 1712 par une nouvelle construction ovale avec coupole20. Depuis 1847, elle est dédiée à Notre-Dame des malades en l’honneur des membres d’une confrérie21 qui visitaient à domicile les malades du quartier et tenaient un dispensaire pour les soigner. La statue de Notre-Dame des malades22, en marbre de Carrare placée dans la gloire au-dessus de l’autel, les verrières d’Antoine Lusson23 exécutées en 1874 évoquant les joies et les souffrances de la Vierge Marie, complètent ce lieu voué aux demandes de guérison.

La première et la dernière station du “chemin de Pâques” en terre cuite polychrome (piliers des bas-côtés) : le lavement des pieds et les pèlerins d’Emmaüs.

Dans les bas-côtés, les quatorze bas-reliefs placés sur les piliers, face aux fidèles, composent un Chemin de Pâques24 plus qu’un Chemin de Croix. Le premier d’entre eux évoque le lavement des pieds et la Cène, le jeudi saint, et le dernier l’apparition du Christ aux pèlerins d’Emmaüs après la Résurrection.

Les vitraux de Saint-Laurent témoignent de la renaissance de cet art en France entre 1850 et 1950. Ceux de Charles Champigneulle25 pour les deux premières chapelles du bas-côté nord se réfèrent à l’œuvre de Louise de Marillac et Vincent de Paul, fondateurs de la Compagnie des Filles de la Charité, et à celle de François de Sales, apôtre de  la douceur, déclaré docteur de l’Eglise en 1877. Ce dernier y est représenté avec une colombe qui se pose sur son cœur.

Lors de l’agrandissement de l’église en 1864, le grand orgue26 a été doté d’une nouvelle tribune et le facteur d’orgue Merklin-Schütze a réutilisé des éléments de l’orgue précédent, créé par François Ducatel au 17e siècle et reconstruit en 1766 par François-Henri Clicquot. Il participe à la beauté des liturgies et sonne pour de nombreux concerts.

A proximité des grands hôpitaux Lariboisière, Fernand-Vidal et Saint-Louis, des gares du Nord et de l’Est, l’église Saint-Laurent, son petit jardin écologique et son presbytère des années 1930 constituent un havre de paix pour ce quartier bruyant et affairé qui compte plus de soixante nationalités.

Saint Laurent

D’origine espagnole, Laurent vécut à Rome au début du 3e siècle. Il était diacre, un homme consacré appelé à s’occuper des plus démunis de la communauté. L’empereur Valérien l’arrêta le 6 août 258 avec le pape Sixte II. Le pape fut tué ainsi que tous ses diacres, sauf Laurent qui avait la garde des archives et des trésors de l’Eglise. Valérien les lui réclama. Mais Laurent qui les avait distribués aux pauvres de Rome, lui répondit en lui montrant ceux-ci : «Voilà les trésors de l’Eglise». Laurent fut aussitôt emprisonné puis brûlé sur un gril. Il mourut quatre jours après, le 10 août. Saint Laurent est un martyr célèbre de la chrétienté. Il est souvent représenté avec un gril.

Saint Vincent de Paul et sainte Louise de Marillac

Au moment du renouveau spirituel du 17e siècle, Saint-Laurent sera la paroisse de Vincent de Paul, dès 1632, et celle de Louise de Marillac, dès 1641, et ce jusqu’à leur mort en 1660. C’est dans le prieuré Saint-Lazare, en face de l’église, que Vincent installa la congrégation des Pères de la Mission. A partir des confréries de la Charité, cet ami de François de Sales, fonda, avec Louise, la Compagnie des Filles de la Charité près de l’église Saint-Laurent en 1641. Dès lors, ces femmes célibataires et consacrées réalisent — grande nouveauté — l’alliance entre une vie retirée dans la prière et une vie active de charité avec la rue pour cloître, les chambres de malades pour monastère… Aujourd’hui connues sous le nom de sœurs de Saint-Vincent-de- Paul, leur chapelle de la rue du Bac (Paris 6e) est un grand lieu de pèlerinage (médaille miraculeuse).



Notes :
1 — Son tracé est celui de la rue Saint-Martin, encore suivi par les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle.
2 — Détruit en 885 par les Normands, il fut remplacé, au début du 12e siècle par une église dépendant du prieuré Saint-Martin-des-Champs. Dès le 14e siècle, le lieu est réputé pour sa foire estivale en plein air.
3 — Mort en 581. Il fut conseiller du fils du roi Clovis, le roi Clotaire 1er (498-561), puis évêque du Mans en 560.
4 — L’édifice a été classé Monument Historique en 1945, sauf la façade qui est inscrite à l’Inventaire supplémentaire.
5 — 1801-1870. Après des débuts dans l’art funéraire, cet architecte et décorateur travailla au Panthéon, au château de Vincennes et au palais du Luxembourg.
6 — Prospères depuis 50 ans en Europe et Amérique du Nord, les formes médiévales ne s’imposent en France qu’à la Restauration (1814-1830). Lassus et Viollet-le-Duc sont les chefs de file de ce renouveau esthétique en France.
7 — Diacre, saint patron de cette paroisse avec sainte Apolline et saint Jean le Baptiste.
8 — Banderole permettant aux artistes du Moyen Age de faire parler leurs personnages, comme dans les bandes dessinées.
9 — 1815-1884. Peintre copiste au Louvre, qui contribua à mettre au point cette technique utilisée en 1860 par Jules Jollivet (1803-1871) pour la façade de Saint-Vincent-de-Paul (Paris 10e) dont les laves, déposées en 1861, ont été reposées en 2011.
10 — D’après les hymnes écrits à la gloire des martyrs par saint Ambroise (340-397, évêque de Milan et docteur de l’Eglise), ferments du chant liturgique en Occident.
11 — Année gravée sur un voûtain proche de la clé située à l’entrée du transept nord.
12 — 1621-1679 (Blondel) et 1705-1774 (Le Pautre). En 1671, ces fondateurs de l'Académie royale d'Architecture ne cachent pas leur admiration pour ce qui ne s’appelait pas encore le “gothique”.
13 — Saint-Gervais-Saint-Protais et Saint-Eustache (Paris 4e), Saint-Etienne-du-Mont (Paris 5e) en ont aussi. A Saint-Laurent, le sujet représenté est unique en Ile-de-France.
14 — Morte en 249 à Alexandrie. Ses bourreaux lui arrachèrent les dents. Pour ne pas abjurer sa foi, elle décida elle-même de monter sur le bûcher. Elle est patronne des dentistes.
15 — En architecture chrétienne, le décor situé au nord est souvent réservé à l’Ancien Testament et celui du sud au Nouveau Testament.
16 — 1801-1877. Peintre de cartons, originaire de Toulouse.
17 — Provient du latin epistola (επιστολη en grec) et désigne un écrit de correspondance.
18 — 1879-1954. Peintre-verrier et mosaïste français, auteur de vitraux à Saint-Jean-Bosco (Paris 20e).
19 — Marie de Magdala, Marie Salomé et Marie Jacobé venues au tombeau pour embaumer le corps de Jésus (Mc 16,1) furent les premières à recevoir l’annonce de sa Résurrection (Mc 16, 2-8). Elles se seraient réfugiées dans le Midi de la France.
20 — Ornée du Sacrifice d’Abraham et l’Assomption de Marie qui auraient été peints par Antoine Denis Postel (né à Paris en 1759).
21 — Membres d'un même métier qui s’entraidaient et venaient prier dans la chapelle dédiée à leur saint patron. Les vignerons de la Goutte d’Or vénéraient saint Antoine et saint Nicolas dans la chapelle signalée par la clef de voûte les représentant dans le déambulatoire.
22 — 1904. Création de la Maison Raffl installée dans le quartier de Saint-Sulpice dès 1857 (Paris 6e).
23 — Né au Mans en 1818, il créa dans la Sarthe des ateliers très actifs. Il restaura les vitraux de la Sainte-Chapelle (1849-1861). Il en fit aussi à Saint-Germain-l’Auxerrois (Paris 1er), Saint-Germain-des-Prés (Paris 6e) et Saint-Eugène (Paris 9e).
24 — Réalisé en 2005 par sœur Mercédes, (née en 1940) bénédictine à l’abbaye de Dourgne dans le Tarn. Aussi auteur de celui de Saint-Antoine-des-Quinze-Vingts en 2008 (Paris 10e).
25 — 1853-1905.Fils du fondateur de la Maison Champigneulle et créateur de la succursale de Paris en 1881.
26 — Classé monument historique en 1945.

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© ACF / Paris, mars 2018. Photos : M. Beaudoin. Photos P. Christory, F. de Franclieu, M. Beaudoin, M. Baranger.

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