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Exposition visible jour et nuit, 24h/24 et 7j/7, dans le cadre de Nuit Blanche du 1er octobre au 4 décembre 2022, à la Galerie Saint-Séverin. La visite est gratuite.
Vernissage le 29 septembre 2022 de 18h30 à 21h, en présence de l’artiste.
L’artiste, Binta Diaw
Binta Diaw née de parents sénégalais en 1995 à Milan en Italie, où elle vit et travaille.
Binta Diaw est diplômée de l’Accademia di belle arti di Brera di Milano, ainsi que de l’École d’Art et de Design de Grenoble en France.
Son travail a été exposé à plusieurs reprises en Europe avec notamment les expositions : School of Water-Mediterranea, Young Artists Biennale (San Marino, 2021); It Is Wrong To Go Back and Take Something You Forgot, Festival Una Boccata d’Arte, (Monastero Bormida, Piémont, 2021); I have this memory, it is not my own, Galerie Cécile Fakhoury (Dakar, 2020); Waves Between Us, Sandretto Rebaudengo Foundation (Guarene, 2020); Nero Sangue, MAGA Museum (Gallarate, 2020); Soil is an Inscribed Body, Savvy Contemporary (Berlin, 2019).
Première lauréate du prix Pujade-Lauraine (2022), elle est représentée à Paris et à Dakar par la Galerie Cécile Fakhoury.
Retrouvez Binta Diaw sur son site https://www.bintadiaw.com/
et sur celui de la galerie Cécile Fakhoury https://cecilefakhoury.com/artists/97-binta-diaw/overview/
Binta Diaw, 1. 12. 44. , 2022, installation de terre,
chapeau de tirailleur sénégalais, plans de millet,
Paris Galerie Saint-Séverin. ©Martine Sautory
1.
12.
44.
Avec une grande économie de moyens, l’installation de Binta Diaw, 1. 12. 44. (2022), évoque le massacre de Thiaroye près de Dakar en décembre 1944. Les tirailleurs sénégalais engagés par les colonies de l’armée française reviennent au pays, à la caserne de Thiaroye. Ne réussissant pas à obtenir leur solde de la part de l’armée et protestant contre cette iniquité, ils sont assassinés par les forces françaises dans des conditions restées floues. Cette histoire demeure une plaie ouverte de la colonisation française au Sénégal, aucune initiative institutionnelle n’ayant été mise en place pour une démarche de repentance ou d’hommage aux victimes.
L’œuvre 1. 12. 44. (2022) évoque un champ de terre fertile, découpé en pistes couramment utilisées en agriculture qui rappellent le travail que les tirailleurs exerçaient. Il fait également écho aux tranchées de la guerre ou aux nombreux lieux de sépultures inconnus des victimes du massacre. Un chapeau rouge -le chechia, fait écho à l’habillement classique sénégalais. A l’intérieur du chapeau, un léger trou laisse place à la croissance de graines de millet, aliments de base commun aux tirailleurs. Selon Anissa Touati, « Entrer dans la pièce au son des noms des absents, marcher sur le sol, c’est se confronter à l’histoire à ses vides mais c’est aussi la responsabilité de porter de nouveaux récits ».
Au-delà de l’aspect archiviste et documentaire, l’installation de Binta Diaw invite en termes poétiques à une « mémoire de réveil » (Myriam Mihindou). À partir de matériaux simples, accessibles à tous – la terre et sa symbolique liée à l’appartenance, les graines, les plantes, les cheveux, les drapeaux roulés -, elle crée des environnements immersifs qui s’apparentent davantage à un récit confrontant des matériaux contrastés, de l’inanimé au vivant avec des touches subtiles de couleur.
L’artiste accorde une grande place à l’expérience physique et sensorielle du spectateur, l’obligeant à réinsuffler dans sa mémoire les traces d’un passé refoulé et à se positionner face à son lieu d’expérience.
Ses installations se développant souvent dans la salle entière d’une galerie, comme si elle prenait « place » dans un débat post-colonial et eurocentré, contribuent à mettre en exergue la tension d’appartenir à deux mondes. Elle s’inspire des ressources d’un inconscient collectif passé et contemporain qu’elle partage et qu’elle cherche à réactiver. « Sa pratique parle de renaissance, d’accompagnement, de guérison, avec douceur et élégance, en prenant appui sur la nature, un retour à la nature, au bourgeonnement, à la voix, la musique et les travaux communautaires » (Anissa Touati).
Angéline Scherf, commissaire – septembre 2022
Ecoutez Binta Diaw nous parler de son travail.
Entretien avec Martine Sautory, le 29 septembre 2022 à La Galerie Saint-Séverin
A lire :
Léopold Sédar Senghor, « Tyaroye », dans le recueil intitulé Hosties Noires.
TYAROYE
Prisonniers noirs je dis bien prisonniers français, est-ce donc vrai
que la France n’est plus la France ?
Est-ce donc vrai que l’ennemi lui a dérobé son visage ?
Est-ce vrai que la haine des banquiers a acheté ses bras d’acier ?
Et votre sang n’a-t-il pas ablué la nation oublieuse de sa mission d’hier ?
Dites, votre sang ne s’est-il mêlé au sang lustral de ses martyrs ?
Vos funérailles seront-elles celles de la Vierge-Espérance ?
Sang sang ô sang noir de mes frères, vous tachez l’innocence de mes draps
Vous êtes la sueur où baigne mon angoisse, vous êtes la souffrance qui enroue ma voix
Wôi ! entendez ma voix aveugle, génies sourds-muets de la nuit.
Pluie de sang rouge sauterelles ! Et mon Cœur crie à l’azur et à la merci.
Non, vous n’êtes pas morts gratuits ô Morts ! Ce sang n’est pas de l’eau tépide.
Il arrose épais notre espoir, qui fleurira au crépuscule.
Il est notre soif notre faim d’honneur, ces grandes reines absolues
Non, vous n’êtes pas morts gratuits. Vous êtes les témoins de l’Afrique immortelle.
Vous êtes les témoins du monde nouveau qui sera demain.
Dormez ô Morts ! et que ma voix vous berce, ma voix de courroux que berce l’espoir.
Paris, décembre 1944.
Direction : Laurent du Mesnil
Programmation : Angéline Scherf
Coordination : Martine Sautory et Nathalie du Moulin de Labarthète
Montage : Binta Diaw et Galerie Cécile Fakhoury Paris
Légende de la photo : Binta Diaw, détail de l’installation « dïà s p o r à » présentée à la galerie Cécile Fakhoury, Abidjan, 2021.