Exposition visible de 9h à 2h du matin, du 20 juin au 15 octobre 2003, à la Galerie Saint-Séverin. La visite est totalement gratuite.

Inauguration de la vitrine conçue par Martin Szekely, nouvel espace de la galerie, après deux années de travaux.

La nouvelle Galerie Saint-Séverin

La Galerie Saint-Séverin a été créée en 1990 par l’association diocésaine Art, Culture et Foi, afin de favoriser le dialogue entre le monde de l’art contemporain et la spiritualité chrétienne.
Ouverte sur les rues de Paris, dans un quartier vivant, en face de l’église, la façade vitrée de la Galerie Saint-Séverin, conçue par le designer Martin Szekely, est mise à disposition d’un artiste pour que celui-ci y réalise, directement sur la vitre ou dans la vitrine, et selon les moyens qu’il jugera adéquat, une œuvre visible pendant un trimestre, de 9h à 2h du matin.

L’idée d’utiliser une surface transparente comme support d’expression répond en soi aux principes de l’art sacré, qui veut rendre visible, et ouvrir sur une présence infigurable. Jeu avec la lumière, qui est la source de la manifestation divine – comme l’énonce le Prologue de Saint Jean – elle manifeste en même temps une incarnation et une transcendance. L’image ainsi présentée ne renvoie plus à elle-même mais laisse le regard la traverser pour rejoindre la profondeur qui la fonde et où elle s’efface. L’art n’est plus medium, mais index ; la représentation se double d’une épiphanie sensible, qui constitue l’enjeu même d’une esthétique chrétienne.

La Galerie Saint-Séverin remercie M. Jacques Bobroff, Erco et Kréo, ainsi que Martin Szekely.
Dossier de Presse Art, Culture et Foi – 2003.

L’inauguration a eu lieu en présence de Monseigneur Lustiger.

L’artiste, Daniel Schlier

Né en 1960, il vit et travaille à Strasbourg.

Daniel Schlier apprend très jeune la peinture et la gravure auprès d’un étudiant aux Beaux-Arts de Mulhouse originaire de son village natal, puis fait des études d’art à l’Ecole des Arts décoratifs de Strasbourg.

Ses œuvres sont présentes dans de nombreuses collections publiques, comme celles du Centre d’art contemporain de Saint-Priest, le Musée des Beaux-Arts d’Annecy et le Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg.

Une sélection d’œuvre de Daniel Schlier est visible sur le site de l’artiste.

Im Wasser liegend* par Daniel Schlier

Depuis plus de dix ans, la démarche de Daniel Schlier s’est inscrite dans la volonté de passer de la « représentation » à « l’incarnation » (ces termes ont été employés par l’artiste dans une interview). Dans un Chemin de Croix pour une église de Karlsruhe (en 2001), ce passage était articulé par l’addition de plusieurs panneaux au sein d’un cycle narratif, il nous est ici donné à voir dans un seul tableau.

Quoique travaillant avec des moyens très ouverts (ici le fixé sous verre, qui consiste à appliquer la peinture au revers d’une plaque de verre, ailleurs notamment des collages avec cravates ou mouchoirs), Daniel Schlier est particulièrement sensible au fait qu’un peintre ne saurait oublier qu’il arrive après des siècles d’histoire de l’art. Il fait de la réflexion sur les images et leurs formes l’un des axes majeurs de sa création. La figure de l’homme couché s’inscrit depuis longtemps dans son travail comme l’un des marqueurs de cette réflexion. Elle a pu renvoyer explicitement, sous la forme de la copie, au Christ mort de Holbein. Elle semble ici conjuguer au moins une autre référence majeure, celle du Narcisse se mirant dans l’eau avant d’en mourir, peint par Poussin (qui en reprendra d’ailleurs la forme à la fin de sa vie pour un Christ de pitié). Mais elle mêle et redéfinit ces deux références, leur ajoutant des éléments tirés de tableaux antérieurs de l’artiste (notamment la pénétration réciproque de l’humain et du minéral) et de nombreuses autres sources, produisant une signification nouvelle, difficile à fixer autrement que sur le mode de l’interrogation. On formulera donc d’abord deux questions : Comment comprendre cette nouvelle image ? Comment conduit-elle à reconsidérer mes attentes de ce qu’un homme nu allongé peut signifier ? Avant d’en rajouter quelques autres : Qu’est- ce qu’un homme de chair aujourd’hui ? Quel rapport entretient-il avec son environnement ? Qu’apporte et que signifie le fait de représenter un homme dénudé comme un Christ de pitié ?

Il n’y a pas ici de réponse dogmatique. L’artiste n’est pas un croyant. Peut-être ne saurait-il l’être s’il veut être artiste aujourd’hui, au sens où le cinéaste Andreï Tarkovski – dont les personnages centraux sont souvent montrés allongés dans la terre et dans l’eau – pouvait écrire : « J’admets la Foi, mais je ne crois pas à la Connaissance ». Il est plutôt quelqu’un qui peut « espérer croire » – en la peinture, en l’homme, voire en une transcendance, pour peu que tous ces termes soient débarrassés de leur majuscule, « affaiblis ». En voulant créer une peinture incarnée, ce que touche ici Daniel Schlier c’est l’évènement inouï qu’est la kénose, cet abaissement de Dieu en Jésus Christ fait homme. Il n’est pas besoin, pour être à notre tour interrogés par cette œuvre, que nous croyons en cet évènement, ni que nous croyons que l’artiste y croit, ni non plus que nous n’y croyons pas. Ce que fait ce tableau, c’est de nous reposer ces questions, inlassablement, en nous prenant dans ses reflets, dans ses formes et dans ses couleurs.
Eric de Chassey, commissaire – 2003.

 

Direction : Jacques Andriveau
Programmation :
Eric de Chassey

Légende de la photo : Daniel Schlier, Im Wasser liegend #1, de la série Im Wasser liegend [Etant couché dans l’eau], mai 2003, peinture à l’huile sous verre, 97,5 x 207,5 x 2,2 cm, collection du Frac Ile-de-France. Photo Adagp, Paris / Marc Domage. 

* Etant couché dans l’eau