Exposition visible jour et nuit, 24h/24 et 7j/7, du 22 décembre 2008 au 2 février 2009, à la Galerie Saint-Séverin. La visite est totalement gratuite.

L’artiste, Claude Closky

Né en 1963. Vit et travaille à Paris, France.

Closky s’empare des modalités les plus ordinaires de notre communication quotidienne, et nous en restitue les formes à découvert : par une réarticulation discrète, une redistribution des mots ou de la visibilité. Il joue avec les règlements du quotidien, les codes et les hiérarchies qui rythment notre existence : « je vois deux façons de créer une distance critique avec les modèles qui régissent notre quotidien. Leur opposer un nouveau discours pour les contredire, ou bien suivre leur logique et la faire s’emballer jusqu’à l’absurde. Comme artiste, je ne peux que choisir la seconde méthode. Je ne veux pas énoncer de théories érudites sur la société ou les médias. Il n’est pas nécessaire de démontrer que l’on a lu Mac Luhan pour faire une œuvre. Si je dois m’inscrire dans une histoire, c’est dans celle de l’art et des artistes qui m’ont précédé ». On croit glisser dans les automatismes, on est entré dans le labyrinthe. Le résultat peut surprendre, la déception est calculée et le trouble est durable.
Texte de Marie Muracciole

Claude Closky est représenté par la Galerie Laurent Godin à Paris. Plus d’informations sont disponibles sur le site de l’artiste.


Claude Closky, Minuit, détail, 2008, Galerie Saint Séverin, Paris.
Photo Le Monde.

Minuit par Claude Closky

Un signal. L’objet installé par l’artiste est là, calme dans son absolu présent. Les deux points rouges qui pulsent manifestent la tension du système. L’électronique veille. Patiente. L’horloge obstinée n’inscrit que le minuit. L’artiste qui propose cet appareil inexpressif et banal semble s’être retiré de son œuvre. L’élément impersonnel qui guette son interprète au fond de la vitrine n’a pas de qualité particulière. Son style et sa fonction appartiennent au vocabulaire familier de l’espace public.

Cependant. Dans cette minuscule galerie, face à l’église Saint Séverin, la période de Noël apporte à ce temps affiché des significations supplémentaires. Comme si la confrontation entre l’objet et son lieu d’exposition ouvrait le sens, sortait l’horloge de sa passivité. L’attente, le Minuit. Pour le Chrétien, le moment essentiel, celui de l’annonce de la venue d’un Messie attribue soudain à cette heure inscrite et à la lumière qu’elle diffuse une pluie de significations qui justifieraient son insistance. Pour ceux qui ont d’autres dévotions ou une autre culture ces diodes appelleront d’autres associations. Pour les lecteurs de Mallarmé ce sera le Minuit d’Igitur qui se déroule à la lisière de deux journées et qui n’appartient à aucune, le moment du « présent absolu des choses » saisi entre « de réciproques néants ». Pour un autre ces chiffres seront des orbites vides, ou un objet industriel, ou une ruine d’aujourd’hui, ou une parabole de l’entropie ou toutes les interprétations que l’artiste a rendues possibles en organisant une forme sans autorité, c’est à dire qui ne s’impose ni par son esthétique ni par un sens prédéfini.

Claude Closky a vidé l’objet de sa signification. Mais, par le choix d’un lieu intense où se croisent des réalités culturelles très hétérogènes, par la décision d’utiliser cette heure si particulière par ses connotations et son graphisme, la virtuosité de l’artiste s’accomplit dans la mise en œuvre d’un fonctionnement impeccable. Demeure cet instrument de mesure apparemment défonctionnalisé, simple et vide qui accueille toutes les significations de passage et qui, sans jamais être atteint par celles-ci, à contrario, défini, à chaque fois le regardeur qui le considère. Cette œuvre ne se dit jamais, inlassablement elle renvoie à l’autre le reflet de ses convictions. Tout au plus elle recueille celui qui s’y recueille.
Jean de Loisy, commissaire – 2011

 

En savoir plus :
Le Monde

 

Direction : Isabelle Renaud-Chamska
Programmation :
Jean de Loisy

Légende de la photo : Claude Closky, Minuit, installation, 2008, Galerie Saint Séverin, Paris. Photo Le Monde.