Michel-Ange,  Séparation de la lumière et des ténèbres,
plafond de la Chapelle Sixtine, Rome

Replay de la conférence du jeudi 2 février 2023 au Collège des Bernardins :

«Entre ténèbres et lumière : opposition et métamorphose chez Dante, Hugo et Jaccottet»

par Jean-Pierre Lemaire, poète et professeur de Lettres, grand Prix de l’Académie Française pour l’ensemble de son œuvre

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Au début de la Genèse, Dieu sépare la lumière des ténèbres. Le prologue de l’évangile de Jean met en scène leur affrontement; les ténèbres y représentent le refus de la lumière. L’opposition est donc absolue entre les premières et la seconde, comme chez Dante entre le séjour des réprouvés et celui des élus. Le Purgatoire dans La Divine Comédie n’est pas un passage entre Enfer et Paradis : c’est un lieu de purification des futurs élus ; ils sont déjà sauvés (l’univers dantesque comporte cependant des zones en demi-teintes, comme celle où demeurent les génies et les sages de l’Antiquité préchrétienne). Avec le romantisme et la croyance au progrès, l’antithèse entre ténèbres et lumière qui structure la vision de Hugo avec un fondement moral, opposant le mal au bien, est susceptible d’évoluer : la révolte, traditionnellement négative, a des justifications dans l’histoire et Satan lui-même, le Prince des ténèbres, peut être appelé par Dieu à retrouver son rang d’archange « porteur de lumière ». Cette croyance au progrès s’effrite dans notre modernité et Jaccottet, toujours attiré par la lumière qui lui fait signe dans les paysages provençaux, n’en reste pas moins hanté par les ténèbres de notre histoire collective et individuelle. Entre ces deux pôles, il oscille, dans une incertitude parfois teintée d’espérance