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Replay de la conférence du 30 mars 2023
au Collège des Bernardins
«Les nuits lumineuses de Georges de La Tour»
par Robert Fohr, historien de l’art, ancien chef de la mission du mécénat au ministère de la Culture
Le mot du conférencier
L’œuvre immense de Georges de La Tour (1593-1652) est une reconquête de l’histoire de l’art. Tombé rapidement dans l’oubli après sa mort, ce peintre lorrain estimé de Louis XIII, du cardinal de Richelieu et d’éminents collectionneurs du Grand Siècle, connaît aujourd’hui une renommée universelle.
Son œuvre traduit une culture picturale d’autant plus complexe à analyser que la formation de l’artiste demeure une énigme. Italienne pour certains historiens, nordique pour d’autres, caravagesque pour la plupart, elle s’est probablement déroulée en Lorraine et surtout à Paris, dans les dernières années du règne d’Henri IV et les débuts de la Régence de Marie de Médicis, au sein d’un foyer artistique encore peu étudié, en partie sclérosé par le maniérisme finissant mais nourri d’une forte tradition réaliste venue des Flandres et certainement ouvert aux innovations favorisées par la circulation des artistes et des modèles, et les échanges dynastiques.
C’est la conviction Robert Fohr d’autant plus affirmée que les liens de La Tour avec Paris sont indéniables et qu’aucune trace de sa présence à Rome, Anvers ou Utrecht n’a été jusqu’à présent retrouvée malgré des décennies de recherches.
Avec seulement deux tableaux datés et très proches, la chronologie de l’œuvre de Georges de La Tour est également difficile à appréhender. Elle semble se décomposer sur le plan stylistique en deux grands moments : une première période majoritairement diurne, suivie d’une autre où La Tour s’impose comme un maître incomparable des «nuits». La toile de fond de cette production n’est pas indifférente : c’est la guerre de Trente Ans et la mainmise du roi de France sur la Lorraine ducale. Alors que les moyens plastiques changent – des raffinements d’écriture et de coloris à la simplification des formes que la lumière fait sourdre de l’obscurité –, l’œuvre du peintre de Lunéville trouve son unité profonde dans le questionnement qu’elle porte de bout en bout sur la dualité des aspirations de l’âme et de la condition humaine.
Légende du tableau
Georges de La Tour
L’Ange apparaissant à saint Joseph
Huile sur toile, 93 x 81 cm
Signé « Gs De La Tour f… »
Nantes, musée d’Arts