Exposition visible de 15h à 19h, du 1er au 24 mars 1996, à la Galerie Saint-Séverin. La visite est totalement gratuite.

L’artiste, Martin Szekely

Né en 1956, Martin Szekely suit des cours à l’Ecole Boulle et à l’Ecole Estienne.

A l’origine de la chaise longue Pi (1982) et du verre Perrier (1995), l’artiste multiplie ses collaborations avec des industriels. Réalisant à la fois du mobilier, des objets du quotidien et du design industriel, Martin Szekely cherche toujours la plus simple expression de l’objet, afin de créer des « lieux communs », des « produits compréhensibles par tous ».

« Aujourd’hui mon travail m’apparaît comme une soustraction à l’expressionisme du dessin. C’est dans ma relation au design industriel et sa destination vers un public le plus large que cette notion s’est imposée. J’ai pour ambition un résultat économe qui ne soit même pas qualifiable de minimaliste. Un lieu commun. »
Martin Szekely

En 1987 il est consacré Créateur de l’année du Salon du meuble de Paris. Ses oeuvres rejoignent les collections permanentes du MoMA (New York), du MUDAM (Luxembourg), du Centre Georges Pompidou (Paris), du Musée du design (Lisbonne), ou encore du Musée des Arts Décoratifs (Paris).

Les oeuvres de Martin Szekely sont visibles sur le site de l’artiste.

 


Martin Szekely, Antonio Satragno, Banc d’Evry, prototype de prie-Dieu, 1995, bois d’érable ciré, Centre national des arts plastiques (Cnap).
Photo Martin Szekely.

Mobiliers d’église par Martin Szekely

Originale exposition que celle de la galerie Saint-Séverin qui présente deux créations du designer Martin Szekely, une cathèdre et un banc. Le choix de ces deux sièges représente bien l’évolution historique du mobilier d’église.

Au départ les basiliques étaient vides, ce qui rendait leur architecture que plus impressionnante. Le peuple restait debout. Seul l’évêque disposait d’une cathèdre, un siège haut, de taille imposante, et surélevé afin que sa personne puisse être vue de toute l’assemblée. Au célébrant était réservé un fauteuil et à ses acolytes, des tabourets.

Vers le XVIIe siècle apparaissent des stalles, entourant le chœur, à l’usage du chapitre dans les cathédrales et des moines dans les monastères. Avec leurs « miséricordes » pour une posture secourable – mi-debout, mi-assise – pendant de longues cérémonies, elles sont souvent magnifiquement sculptées, comme en témoigne la cathédrale d’Auch ou les stalles de Saint-Claude dans le Jura, qui viennent d’être restaurées et restituées après l’incendie qui les dévora en partie, il y a plus de dix ans

Après la Révolution, on installe des planchers dans les églises de campagne pour protéger les fidèles du froid et de hauts bancs à dossier. Ou bien encore on dispose ces petites chaises paillées, d’excellente facture, que l’on connaît bien, encore aujourd’hui.

Bancs et cathèdres, voici donc les deux termes extrêmes du mobilier d’accompagnement du culte, pour lesquels notre temps – et la Commission d’Art sacré – convoque, non sans une certaine audace, les plus contemporains de nos créateurs.

Ainsi en fut-il de Martin Szekely, digne fils d’un sculpteur réputé, Pierre, et d’une mère, Vera, artiste pluridisciplinaire à laquelle des envols environnementaux textiles, notamment, apportèrent une même considération. Gènes de qualité dont le fils a su hériter, comme le montre son passé (court encore – guère plus de dix ans !) de designer émérite au sein de sa génération.
Il est adepte d’un confort non patapouf, non visiblement anatomique, fait de rigueur et d’exigeante adéquation à une fonction et ses nécessités. Trouvant son bonheur dans les matériaux nobles, l’acier, le bois, etc. C’est au chêne clair, plaqué sur une âme composite, amalgame de poudre de bois et d’un liant de synthèse, qu’il a confié le confort de l’évêque. L’histoire ne dit pas si, grâce à cette cathèdre conçue en 1984 et réalisée par l’ébéniste Michel Bouisson, quelque dignitaire de l’église a pu trouver un bref repos durant les cérémonies religieuses

Mais ce que l’histoire raconte, en revanche, c’est la triste destinée de ce banc imposant (2 mètres de long) imaginé par la cathédrale d’Evry, que Mario Botta a construite en -1994. Ce siège, prie-Dieu d’un côté et vaste assise de l’autre, fait d’érable par l’ébéniste Antonio Satrano et dont le dessin avait été demandé à Martin Szekely, a dû céder la place aux bancs que finalement l’architecte a réalisé lui-même. Sur place, vous pourrez exercer votre jugement devant le banc de Martin et la photographie de celui de Botta.

Sachez auparavant quel était le dessein du jeune designer : « Par rapport au grand nombre d’assises (à installer dans l’édifice), mon idée ambitieuse était de faire en sorte que le mobilier installé dans la nef rayonne de sa seule présence et cela, même sans la foule ».

Toujours en quête des effets du mouvement, Martin Szekely édifie le système de construction d’un meuble, sur des points d’articulation qui l’indiquent : une pente déversante, tel le flux d’un glacier franchissant une barre rocheuse, pour cette table basse en métal éditée par Néotu en 1987 ou le lieu de jaillissement de flèches obliques contrariées, solides appuis des courbes et contrecourbes où reposera le corps, telle la chaise longue PI de 1984.

Le jeune créateur se concentre sur le concentré : « Comme si les objets étaient de passage, accrochant le vide, frôlant les murs par des arêtes ou des pointes ; manipulant les objets comme une présence dans l’espace ».
Ariane Grenon, « Mobiliers d’église », France catholique, n°2538, 1er  mars 1996, p.29.

 


Programmation :
Eric de Chassey

Légende de la photo : Martin Szekely, Antonio Satragno, Banc d’Evry, prototype de prie-Dieu, 1995, bois d’érable ciré, Centre national des arts plastiques (Cnap). Photo Martin Szekely.