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Exposition visible jour et nuit, 24h/24 et 7j/7, du 21 juin au 4 septembre 2010, à la Galerie Saint-Séverin. La visite est totalement gratuite.
L’artiste, Domitille Chaudieu
Née en 1981, Domitille Chaudieu obtient en 2005 le diplôme des Beaux-Arts de Paris avec les félicitations. Elle a participé à plusieurs expositions collectives depuis 2006 (Kaléidoscope, Ensba, Paris ; Etranges fictions, Hambourg ; Galerie Vieille du Temple, Paris …). Une exposition personnelle lui a été consacrée à la Galerie de l’Ecole d’Art de Châtellerault en novembre et décembre 2009. Déjà invitée en 2007 par Didier Semin à exposer une œuvre à la Galerie Saint-Séverin, elle présente cet été une photographie (Sans titre, 2005) qui continue son voyage du regard sur le monde qui nous entoure.
Son travail s’inscrit dans la tradition de la photographie de paysage, qu’elle s’applique cependant à renouveler en traquant l’inquiétante étrangeté de sites faciles d’accès (les serres du jardin des plantes, les cages du zoo de Vincennes, une usine près de Valenciennes ou un aérodrome en Savoie …) qu’elle transforme en mondes singuliers, comme hantés par la mémoire des paysages exotiques ou lointains dont sont faits nos rêves.
Sans titre 2005 © D.C. photo 10[1].
Cénotaphes, par Domitille Chaudieu
Le point de vue de Pierre Wat
« Domitille Chaudieu fait attention au monde. Et chacune de ses photos, quel qu’en soit le cadrage, semble avoir été prise de près, tant, ici, tout motif est comme précipité vers nous. A portée de main, ai-je envie de dire, parce que c’est notre toucher, tout autant que nos yeux, qui est sollicité. Comment voir, c’est-à-dire comment ressentir ce qui se passe dans tel paysage empoussiéré de Porquerolles, où un arbre mort enlace un pilier de ciment, si ce n’est en acceptant d’y risquer son corps, si ce n’est en renonçant à garder ses distances ?
Là, il faut donc entrer. Faire l’expérience de la chute. Glisser le long de ses pentes pour comprendre de quoi ses paysages désertés sont le lieu. Car les photographies de Domitille Chaudieu ne sont pas inoccupées, mais désertées. L’homme, ici, c’est-à-dire l’humain, s’est absenté, et c’est de cette absence que chaque photographie porte la trace et construit le monument. Maison chinoise, arbres morts, parois vertigineuses des Drus, serre hivernale, bloc de béton renversé, poteau d’angle étouffé de végétation morte, tout, chez cette artiste, tend à devenir cénotaphe : ces « tombeaux vides », comme le rappelle l’étymologie grecque, qui font du paysage un monument à la mémoire d’une personne absente.
De cet art mélancolique, une œuvre semble être, dans son unicité même, la matrice paradoxale. C’est une photographie de 2005. On y voit un ours polaire, endormi sans doute, de dos, sur le sol froid d’un zoo. A l’horizontalité de l’ours répond celle d’un tronc d’arbre mort, dérisoire rappel de cette nature à laquelle l’animal fut arraché. Sans que l’on sache très bien pourquoi, peut-être parce que l’artiste ne nous a pas habitués à capter le vivant, on ne peut s’empêcher de penser que l’ours est mort. A moins que cela ne soit dû à la présence de ces quelques feuilles vertes posées devant la patte de l’animal, qui rappellent, le rouge en moins, ces roses que l’on dépose sur les tombeaux des êtres aimés. Petite tache de vert sur fond gris. »
Extrait du texte de Pierre Wat publié dans le catalogue Cénotaphes, collection Cardinaux, Châtellerault, 2009.
Direction : Isabelle Renaud-Chamska
Programmation : ACF / Paris
Légende de la photo : Sans titre 2005 © D.C. photo 10.